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Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl es |:» \ Pierre Corneille. 1>eatb'0 fDo{>ern Xanduage Sériée. POLYEUCTE PAR PIERRE CORNEILLE. I KDITED, WITH AN INTRODUCTION AND NOTES, ALCÉE PORTIER, D.Lt., LikTB Pbopbssor of Romancb Languagbs, Tulamb Unxvbksitv or LooiscAMA. t». C. HEATH & CO., PUBLISHERS BOSTON NEW YORK CHICAGO Copyright, 1891, By ALCÉE FORTIER 2IS Printed in U. S. A. \ '/ PREFACE In preparing this édition of Poiyeucte, many works hâve been consultée! ; but the chief guides of the editor hâve been Voltaire*s Commentary and M. Petit de JuUeville's excellent édition. Where ail the commentators agreed in their remarks, no spécial mention of any of the editors has been made ; but crédit has been given for every remark which seemed original witli the commentators consulted. The notes are philological, grammatical, explanatory, but chiefly literary. An attempt has been made to ex- 'plain thoroughly the character of the play, and also to call attention to the points of interest in other works suggested by the tragedy analyzed. The variants are given, as it is thought highly impor- tant and interesting to follow the workings of a great mind and to observe the change în the ideas of a man of genius. The editor believes that this édition of Poîyeucte is the m IV PREFACE. fîrst published in this country, and he hopes that the stu<^ dents of French in America will appreciate one of the masterpieces of French literature. The editor desires to express his sincère thanks to Prof, E. S. Joynes for his friendly and valuable criticisms. Alc^e Fortier, TULANB UnIVBRSITY OF LOUISIANA, Januaryai, 1891. INTRODUCTION- Although Jodelle had represented his Cîéopâire Cap* tive in 1552, and his Didon in 1558, in which he had imi- tated the dramas of the ancients, and had thus produced the first regular French tragedy ; and although there had been a great many tragic authors at the end of the six- teenth century, and in the beginning of the seventeenth, we see qo really great name in the history of the serions drama in France before that of Pierre Corneille, After having been the delight of Europe for three centuries, the rniracles and the mysteries had perished ; and in spite of the efforts of Jodelle and his followers, there had been no great work in the serious drama before Corneille produced his masterpieces. This great tragedian was born at Rouen in 1606, and chose the law as his profession. He scarcely practised as a lawyer, and began his literary career with Mélite (1629). It is strange to observe that the first works of the most tragic of poets were comédies. He wrote successively La Veuve (1633), La Galerie du Palais (1633), La Suivante VI INTRODUCTION. (1634), La Place Royale (1634). La Veuve was the bestof thèse comédies. Clitandre (1632) is a work somewhat like our modem dramas taken from long and complicated novels, and hardly announced the tragic genius of the author. In Mèdèe (1635), however, Corneille showed the first sparks of his wonderful and sublime poetic fire ; and in Le Cid (1636), he rose far above his contemporaries and his predecessors. Richelieu, not satisfied with being a great statesnlan, wished also to be an author ; he made plans of tragédies, and employed several poets to write the verses. Corneille had at first been one of Richelieu's authors, but he was too independent to write under the dictation of any one, and soon withdrew from his singular partnership with the cardinal. In i636,before writing Le Cid, he had produced Z* -/7/»- sion Comique, an interesting play, although fantastic and somewhat exaggerated. When Le Cid appeared, Richelieu was jealous of Corneille's glory, and had the play criti- cised by the French Academy. Nevertheless, in spîte of the criticism of the Academy, and the furious attacks of Scudéry and Mairet, Le Cid was received with enthusiasm ; and Corneille could never surpass this admirable work. Horace (1640), Cinna (1640), and Polyeucte (1640) are perhaps more regular than Le Cid, but are not more touching. Each of thèse four great tragédies îs entîrely différent from the others, and each one is a masterpîece. INTRODUCTION. VU .Corneille had an essentially créative mind, and his poetry is' grand and imposing. Poîyeucte recalls to our mind the mysteries of the Mid- dle Ages, and places on the stage the heroism of the Christian martyr, The play is sublime, and worthy of the subject, and met with great success, although it had not pleased VHbtel de Rambouillet, Corneille had in- tended to dedicate his play to Louis XIII. , but before the work was published the King died, and Poîyeucte was dedicated to the Queen Régent, Anne of Austria. It is to be regretted that Corneille, in his epistle to the Queen, should hâve felt obliged to utter such extravagant praises. M. de Montauron had given him two hundred pistoles for the dedication of Cinna, and he probably hoped to obtain as much from Anne of Austria. Le Cid^ Horace^ Cinna, Poîyeucte, ^re Comeille's great- est Works, but we may mention also Pompée (1641), Rodogune (1644), HèrcLclius (1647), ^^^ Sanche d'Aragon^ tragi-comédie (1650), Nic(mède{\^l\)M which we still find genius, if not as brilliant as at first. The great Corneille, however, had the misfortune to survive his genius, and produced several works unworthy of his name. His last tragedy, Suréna (1674), was a complète failure, and he then resigned the tragic sceptre to his younger rival. Racine. Besîdes his tragédies. Corneille wrote the first good çomedy before Molière, if V Avocat Fathefin is not con- \ vin INTRODUCTION. sidered a comedy, but a farce. Le Menteur (1642) is well written, and is most interesting and witty; and La Suite du Menteur (1643) ^s not without merit. The declining years of Corneille were passed in poverty, and his last verses (1680), addressed to the Dauphin, im- plored the aid of that prince. The following Unes ai?» interesting and touching : — " De quel front oserai-je, avec mes cheveux gris, Ranger autour de moi les Amours et les Ris ? Ce sont de petits dieux, enjoués mais timides, Qui s*épouvanteraient dès qu'ils verraient mes rides; Et ne me point mêler à leur galant aspect. C'est te marquer mon zèle avec plus de respect." Corneille died in 1684. His glory has been consecrated by two centuries, and he will çver be known as the Great Çorneilk. POLYEUCTE, MARTYR. TRAGÉDIE CHRÉTIENNE. A LA REINE REGENTE. Madame, Quelque connaissance que j'aie de ma faiblesse, quelque profond respect qu'imprime Votre Majesté dans les âmes de ceux qui l'ap- prochent, j'avoue que je me jette à ses pieds sans timidité et sans dé- fiance, et que je me tiens assuré de lui plaire parce que je suis assuré de lui parler de ce qu'elle aime le mieux. Ce n'est qu'une pièce de théâtre que je lui présente, mais qui l'entretiendra de Dieu: la dignité de la matière est si haute, que l'impuissance de l'artisan ne la peut ravaler; et votre âme royale se plaît trop à cette sorte d'entretien pour s'offenser des défauts d'un ouyrage où elle rencontrera les délices de son cœur. C'est par là, Madame, que j'espère obtenir de Votre Majesté le pardon du long temps que j'ai attendu à lui rendre cette sorte d'hommages. Toutes les fois que j'ai mis sur notre scène des vertus morales ou politiques, j*en ai toujours cru les tableaux trop peu dignes de paraître devant Elle, quand j'ai considéré qu'avec quelque soin que je les pusse choisir dans l'histoire, et quel- ques ornements dont l'artifice les pût enrichir, elle en voyait de plus grands exemples dans elle-même. Pour rendre les choses propor- tionnées, il fallait aller à la plus haute espèce, et n'entreprendre pas de rien offrir de cette nature à une reine très chrétienne, et qui l'est beaucoup plus encore par ses actions que par son titre, à moins que de lui offrir un portrait des vertus chrétiennes dont l'amour et la gloire de Dieu formassent les plus beaux traits, et qui rendit le? plaisirs qu'elle y pourra prendre aussi propres à exercer sa piété qu'à délasser son esprit. C'est à cette extraordinaire et admirable piété- Madame, que la France est redevable des bénédictions qu'elle voit tomber sur les premières armes de son roi; les heureux succès qu'elles ont obtenus en sont les rétributions éclatantes, et des coups du ciel, qui répand abondamment sur tout le royaume les récompenses et les grâces que Votre Majesté a méritées. Notre perte semblait 3 4 A LA REINE REGENTE. infaillible après celle de notre grand monarque ; toute ^Europe avait déjà pitié de nous, et s'imaginait que nous nous allions^précipiter dans un extrême désordre, parce qu'elle nous voyait dans une extrême désolation : cependant la prudence et les soins de Votre Majesté, les bons conseils qu'elle a pris, les grands courages qu'elle a choisis pour les exécuter, ont agi si puissammjcnt dans tous les besoins de l'État, que cette première année de sa régence a non seulement égalé les plus glorieuses de l'autre règne, mais a même effacé, par la prise ^e Thionville, le souvenir du malheur qui, devant ses murs, avait interrompu une si longue suite de victoires. Permettez que je me laisse emporter au ravissement que me donne cette pensée, et que jt m'écrie dans ce transport : Que vos soins, grande Reine, enfantent de miracles I Bruxelles et Madrid en sont tous interdits ; Et si notre Apollon me les avait prédits, J'aurais moi-même osé douter de ses oracles. Sous vos commandements, on force tous obstacles; On porte l'épouvante aux cœurs les plus hardis, Et par des coups d'essai vos États agrandis Des drapeaux ennemis font d'illustres spectacks. La victoire elle-même accourant à mon roi, Et mettant à ses pieds Thionville et Rocroi, Fait retentir ces vers sur les bords de la Seine : " France, attends tout d'un règne ouvert en triomphant» Puisque tu vois déjà les ordres de ta reine Faire un foudre en tes mains des armes d'un enfant." Il ne faut point douter que des commencements si merveilleuse n« soient soutenus par des progrès encore plus étonnants. Dieu ne laisse point ses ouvrages imparfaits : il les achèvera, Madame, et rendra non seulement la régence de Votre Majesté, mais encore toute sa vie, un enchaînement continuel de prospérités. Ce sont les vœux de toute la France, et ce sont ceux que fait avec plus de zèle, MADAME, De Votre Majesté Le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet, Corneille. ABRËGË DU MARTYRE DE SAINT POLYEUCTE. itOBIT PAK SIM ÊON MÉTAPHBASTB, BT RAPPORTÉ PAR SURIUS. L'ingénieuse tissure des fictions avec la vérité, où consiste le plus beau secret de la poésie, produit d'ordinaire deux sortes d'effets, selon la diversité des esprits qui la voient. Les uns se laissent si bien per- suader à cet enchaînement, qu'aussitôt qu'ils ont remarqué quelques événements véritables, ils s'imaginent la même chose des motifs qui les font naître et des circonstances qui les accompagnent ; les autres, mieux avertis de notre artifice, soupçonnent de fausseté tout ce qui n'est pas de leur connaissance; si bien que, quand nous traitons quelque histoire écartée dont ils ne trouvent rien dans leur souvenir, ils l'attribuent tout entière à l'efïort de notre imagination, et la pren- nent pour une aventure de roman. L'un et l'autre de ces effets serait dangereux en cette rencontre : il y va de la gloire de Dieu, qui se plaît dans celle de ses saints, dont la mort si précieuse devant ses yeux ne doit pas passer pour fabuleuse devant ceux des hommes. Au lieu de sanctifier notre théâtre par sa représentation, nous y profanerions la sainteté de leurs souffrances, si nous permettions que la crédulité des uns et la défiance des autres, également abusées par ce mélange, se méprissent également en la vénération qui leur est due, et que les premiers la rendissent mal à propos à ceux qui ne la méritent pas, cependant que les autres la dénieraient à ceux à qui elle appartient. Saint Polyeucte est un martyr dont, s'il m'est permis de parler ainsi, beaucoup ont plutôt appris le nom à la comédie qu'à l'église. Le Martyrologe romain en fait mention sur le 13* de février, mais en deux mots, suivant sa coutume ; Baronius, dans ses Annales^ n'en dit 5 V 6 MARTYRE DE SAINT POLYEUCTE. qu'une ligne ; le seul Surius, ou plutôt Mosander, qui Ta augmenté dans les dernières impressions, en rapporte la mort assez au long sur le 9* de janvier; et j*ai cru qu'il éta't de mon devoir d'en mettre ici l'abrégé. Comme il a été à propos d*en rendre la représentation agréable, afin que le plaisir pût insinuer plus doucement l'utilité, et lui servir comme de véhicule pour la porter dans l'âme du peuple, il est juste aussi de lui donner cette lumière, pour démêler la vérité d'avec ses ornements, et lui faire reconnaître ce qui lui doit imprimer du respect comme saint, et ce qui le doit seulement divertir comme industrieux. Voici donc ce que ce dernier nous apprend. Polyeucte et Néarque étaient deux cavaliers étroitement liés ensemble d'amitié ; ils vivaient en l'an 250, sous l'empire de Décius ; leur demeure était dans Mélitène, capitale d'Arménie ; leur religion différente : Néarque étant chrétien, et Polyeucte suivant encore la secte des gentils, mais ayant toutes les qualités dignes d'un chrétien, et une grande inclination à le devenir. L'Empereur ayant fait publier un édit très rigoureux contre les chrétiens, cette publication donna un grand trouble à Néarque, non pour La crainte des supplices dont il était menacé, mais pour l'appréhension qu'il eut que leur amitié ne souffrît quelque séparation ou refroidissement par cet édit, vu les peines qui y étaient proposées à ceux de sa religion, et les honneurs promis à ceux du parti contraire. Il en conçut un si profond déplaisir, que son ami s'en aperçut ; et l'ayant obligé de lui en dire la cause, il prit de là occasion de lui ouvrir son cœur. " Ne craignei point, lui dit-il, que l'édit de l'Empereur nous désunisse; j'ai vu cette nuit le Christ que vous adorez; il m'a dépouillé d'une robe sale pour me revêtir d'une autre toute lumineuse, et m'a fait monter sur un cheval ailé pour le suivre : cette vision m'a résolu entièrement à faire ce qu'il y a longtemps que je médite ; le seul nom de chrétien me manque; et vous-même, toutes les fois que vous m'avez parlé de votre grand Messie, vous avez pu remarquer que je vous ai toujours écouté avec respect ; et quand vous m'avez lu sa vie et ses enseigne ments, j'ai toujours admiré la sainteté de ses actions et de ses discours, O Néarque ! si je ne me croyais point indigne d'aller à lui sans être initie de ses mystères et avoir reçu la grâce de ses sacrements, que vous verriez éclater l'ardeur que j'ai de mourir pour sa gloire et le soutien de ses éternelles vérités ! " Néarque l'ayant éclairci du scrupule où il était par l'exemple du bon larron, qui en un moment MARTYRE DE SAINT POLYEUCTE ^ mérita le ciel, bien qu'il n'eût pas reçu le baptême, aussitôt notre martyr, plein d'une sainte ferveur, prend Tëdit de l'Empereur, crache dessus, et le déchire en morceaux qu'il jette au vent ; et voyant des idoles que le peuple portait sur les autels pour les adorer, il les arrache à ceux qui les portaient, les brise contre terre, et les foule aux pieds, étonnant tout le monde et son ami même, par la chaleur de ce zèle, qu'il n'avait pas espéré. Son beau-père Félix, qui avait la commission de l'Empereur pour persécuter les chrétiens, ayant vu lui-même ce qu'avait fait son gendre, saisi de douleur de voir l'espoir et l'appui de sa famille perdus, tâche d'ébranler sa constance, premièrement par de belles paroles, ensuite par des menaces, enfin par des coups qu'il lui fait donner par ses bourreaux sur tout le visage ; mais, n'en ayant pu venir à bout, pour dernier effort il lui envoie sa fille Pauline, afin de voir si ses larmes n'auraient point plus de pouvoir sur l'esprit d'un mari que n'avaient eu ses artifices et ses rigueurs. Il n'avance rien davantage par là ; au contraire, voyant que sa fermeté convertissait beaucoup de païens, il le condamne à perdre la tête. Cet arrêt fut exécuté sur l'heure ; et le saint martyr, sans autre baptême que de son sang, s'en alla prendre possession de la gloire que Dieu a proiAise à ceux qui renonceraient à eux-mêmes pour l'amour de lui. Voilà, en peu de mots, ce qu'en dit Surius. Le songe de Pauline, l'amour de Sévère, le baptême effectif de Polyeucte, le sacrifice pour la victoire de l'Empereur, la dignité de Félix, que je fais gouverneur d'Arménie, la mort de Néarque, la conversion de Félix et de Pauline, sont des inventions et des embellissements de théâtre. La seule victoire de l'Empereur contre les Perses a quelque fondement dans l'histoire ; et sans chercher d'autres auteurs, elle est rapportée par M. Coe'ffeteau dans son Histoire romaine ; mais il ne dit pas, ni qu'il leur imposa tribut, ni qu'il envoya faire des sacrifices de remerd- ment en Arménie. Si j'ai ajouté ces incidents et ces particularités selon l'art, ou non, les savants en jugeront : mon but ici n'est pas de les justifier, mais seulement d'avertir le lecteur de ce qu'il en peut croire. EXAMEN. Ce martyre est rapporte par Surîus sur le 9* de janvier. Polyeucte vivait en Tannée 250, sous l'empereur Décius. Il était Arménien, ami de Néarque,- et gendre de Félix, qui avait la commission de l'Empereur pour faire exécuter ses édits contre les chrétiens. Cet ami l'ayant résolu à se faire chrétien, il déchira ces édits qu'on pu- bliait, arracha les idoles des mains de ceux qui les portaient sur les autels pour les adorer, les brisa contre terre, résista aux larmes de sa femme Pauline, que Félix employa auprès de lui pour le ramener à leur culte, et perdit la vie par l'ordre de son beau-père, sans autre baptême que celui de. son sang. Voilà ce que m'a prêté l'histoire ; le reste est de mon invention. Pour donner plus de dignité à l'action, |'ai fait Félix gouverneur d'Arménie, et ai pratiqué un sacrifice public, afin de rendre l'occasion plusjl]ustre, et donner u n pré texte à Sévère de venir en cette pro- vince, sans faire éclater son amour avant qu'il en eût l'aveu de Pauline. Ceux qui veulent arrêter nos héros dans une médiocre bonté, où quelques interprètes d'Aristote bornent leur vertu, ne trouveront pas ici leur compte, puisque celle de Polyeucte va jusqu'à la sainteté, et n'a aucun mélange de faiblesse. J'en'aî déjà parlé ailleurs ; et pour confirmer ce que j'en ai dit par quelques autorités, j'ajouterai ici que Minturnus, dans son Traité du Poète, agite cette question, si la Passion de Jésus-Christ et les martyres des saints doivent être exclus du théâtre, à cause qu'ils passent cette médiocre bonté, et résout en ma faveur. Le célèbre Heinsius, qui non seulement a traduit la Poétique de notre philosophe, mais a fait un Traité de la constitution de la traoédie selon sa pensée, nous en a donné une sur le martyre des Innocents. L'illus- tre Grotius a mis sur la scène la Passion même de Jésus-Christ et 9 / lO EXAMEN. rhistoîre de Joseph ; et le savant Buchanan a fait la même chose de celle de Jephté, et de la mort de saint Jean-Baptiste. C'est sur ces exemples que j'ai hasardé ce poème, où je me suis donné des licences qu'ils n'ont pas prises, de changer l'histoire en quelque chose, et d'y mêler des épisodes d'invention : aussi m'était-il plus permis sur cette matière qu'à eux sur celle qu'ils ont choisie. Nous ne devons qu'une croyance pieuse à la vie des saints, et nous avons le même droit sux ce que nous en tirons pour le porter sur le théâtre, que sur ce que noua empruntons des autres histoires ; mais nous devons une foi chrétienne et indispensable à tout ce qui est dans la Bible, qui ne nous laisse aucune liberté d'y rien changer. J'estime toutefois qu'il ne nous est pas défendu d'y ajouter quelque chose, pourvu qu'il ne détruise rien de Ibs vérités dictées par le Saint-Esprit. Buchanan ni Grotius ne Pont pas fait dans leurs poèmes ; mais aussi ne les ont-ils pas rendus assez fournis pour notre théâtre, et ne s'y sont proposé pour exemple que la constitution la plus simple des anciens. Heinsius a plus osé qu'eux dans celui que j'ai nommé : les anges qui bercent l'enfant Jésus, et l'ombre de Mariane avec les furies qui agitent l'esprit d'Hérode, sont des agréments qu'il n'a pas trouvés dans l'Évangile. Je crois même qu'on en peut supprimer quelque chose, quand il y a apparence qu'il ne plairait pas sur le théâtre, pourvu qu'on ne mette rien en la place; car alors ce serait changer l'histoire, ce que le respect que MOUS devons à l'Écriture ne permet point. Si j'avais à y exposer celle de David et de Bersabée, je ne décrirais pas comme il en devint amoureux' en la voyant se baigner dans une fontaine, de peur que l'image de cette nudité ne fît une impression trop chatouilleuse dans l'esprit de l'auditeur ; mais je me contenterais de le peindre avec de l'amour pour elle, sans parler aucunement de quelle manière cet amour se serait emparé de son cœur. Je reviens à Polyeucte^ dont le succès a été très heureux. Le style n'en est pas si fort ni si majestueux que celui de Cinna et de Pompée^ mais il a quelque chose de plus touchant, et lf* g_tf^ndrpss^° ^^ Vammie humain y font un si agréable mélange avec la fermeté du divin, que sa représentation a satisfait tout ensemble les dévots et les gens da monde. A mon gré, je n'ai point fait de pièce où l'ordre du théâtre soit plus beau et l'enchaînement des scènes mieux ménagé. L'unité d'action, et celles de jour et de lieu, y ont leur justesse ; et les scrupules qai peuvent naître touchant ces deux dernières se dissiperont aisément^ EXAMEN. 1 1 pour peu qu'on me veuille prêter de cette faveur que l'auditeur nous doit toujours, quand l'occasion s'en offre, en reconnaissance de la peine que nous avons prise à le divertir. Il est hors de doute que si nous appliquons ce poème à nos cou- tumes, le sacrifice se fait trop tôt après la venue de Sévère ; et cette précipitation sortira du vraisemblable par la nécessité d'obéir à la règle. Quand le roi envoie ses ordres dans les villes pour y faire rendre des actions de grâces pour ses victoires, ou pour d'autres bénédictions qu'il reçoit du ciel, on ne les exécute pas dès le jour même; mais aussi il faut du temps pour assembler le clergé, les magistrats et les corps de ville, et c'est ce qui en fait différer l'exécution. Nos acteurs n'avaient ici aucune de ces assemblées à faire. v^ Il suffisait de la présence de Sévère et de Félix, et du ministère^ du grand prptre; ainsi nous n'avons eu aucun besoin de remettre ce sacrifice en un autre jour. D'ailleurs, comme Félix craignait ce favori, qu'il croyait irrité du mariage de sa fille, il était bien aise d*e lui donner le moins d'occasion de tarder qu'il lui était possible, et de , tâcher, durant son peu de séjour, à gagner son esprit par une prompte ' complaisance, et montrer tout ensemble une impatience d'obéir aux volontés de l'Empereur. -— L'autre scrupule regarde l'unité de lieu, qui est assez exacte, puisque tout s'y passe dans une salle ou antichambre commune aux apparte- ments de Félix et de sa fille. Il semble que la bienséance y soit un peu forcée pour conserver cette unité au second acte, en ce que Pauline vient jusque dans cette antichambre pour trouver Sévère, dont elle devrait attendre la visite dans son cabinet. A quoi je / réponds qu'elle a eu deux raisons de venir au-devant de lui : l'une. ' pour faire plus d'honneur à un homme dont son père redoutait l'indignation, et qu'il lui avait commandé d'adoucir en sa faveur; l'autre, pour rompre aisément la conversation avec lui, en se retirant dans ce cabinet, s'il ne voulait pas la quitter à sa prière, et se délivrer, par cette retraite, d'un entretien dangereux pour elle, ce qu'elle n'eût pu faire, si elle eût reçu sa visite dans son appartement. Sa confidence avec Stratonice, touchant l'amour qu'elle avait eu pour ce cavalier, me fait faire une réflexion sur le temps qu'elle prend pour cela. Il s'en fait beaucoup sur nos théâtres, d'affections qui ont déjà duré deux ou trois ans, dont on attend à révéler le secret juste- ment au jour de l'action qui se présente, et non seulement sans aucune 12 EXAMEN. raison de choisir ce jour-là plutôt qu'un autre pour le déclarer, mais lors même que vraisemblablement on s'en est dû ouvrir beaucoup auparavant avec la personne à qui on en fait confidence. Ce sont choses dont il faut instruire le spectateur en les faisant apprendre par un des acteurs à l'autre ; mais il faut prendre garde avec soin que celui à qui on les apprend ait eu lieu de les ignorer jusque-là aussi bien que le spectateur, et que quelque occasion tirée du sujet oblige celui qui les récite à rompre enfin un silence qu'il a gardé si long- temps. L'Infante, dans le Cid^ avoue à Léonor l'amour secret qu'elle a pour lui, et l'aurait pu faire un an ou six mois plus tôt. Cléopâtre, dans Pompée, ne prend pas des mesures plus justes avec Charmion ; elle lui conte la passion de César pour elle, et comme Chaque jour ses courriers Lui portent en tribut ses vœux et ses lauriers. Cependant, comme il ne paraît personne avec qui elle ait plus d'ouver- ture de cœur qu'avec cette Charmion, il y a grande apparence que c'était elle-même dont cette reine se servait pour introduire ces cour- riers, et qu'ainsi elle devait savoir déjà tout ce commerce entre César et sa maîtresse. Du moins il fallait marquer quelque raison qui luj eût laissé ignorer jusque-là tout ce qu'elle lui apprend, et de. quel autre ministère cette princesse s'était servie pour recevoir ces cour- riers. Il n'en va pas de même ici. Pauline ne s'ouvre avec Stratônice / que pour lui faire entendre le songe qui la trouble, et les sujets qu'elle a de s'en alarmer, et comme elle n'a fait ce songe que la nuit d'au- paravant, et qu'elle ne lui eût jamais révélé son secret sai^s cette occasion qui l'y oblige, on peut dire qu'elle n'a point eu lieu de lui faire cette confidence plus tôt qu'elle ne l'a faite. Je n'ai point fait de narration de la mort de Polyeucte, parce que . je n'avais personne pour la faire ci pour l'écouter, que des païens qui ne la pouvaient ni écouter ni faire, que comme ils avaient fait et ' écouté celle de Néarque, ce qui aurait été une répétition et marque de stérilité, et en outre n'aurait pas répondu à la dignité de l'action principale, qui est terminée par là. Ainsi j'ai mieux aimé la faire connaître par un saint empojrtement de Pauline, que cette mort a con- vertie, que par un récit qui n'eût point eu de grâce dans une bouche indigne de la prononcer. Félix son père se convertit après elle ; et EXAMEN. 13 ces deux conversions, quoique miraculeuses, sont si ordinaires dans les martyrs, qu'elles ne sortent point de la vraisemblance, parce qu'elles ne sont pas de ces événements rares et singuliers qu'on ne ^ peut tirer en exemple ; et elles servent à remettre le calme dans les esprits de Félix, de Sévère et de Pauline, que sans cela j'aurais eu bien de la peine à retirer du théâtre dans un état qui rendit la pièce complète en ne laissant rien à souhaiter à la curiosité de l'auditeur. PERSONNAGES.^ FÉLIX, sénateur romain^ gouverneur d^ Arménie, PoLYEUCTE, seigneur arménien, gendre de Félix. SÉVÈRE, chevalier romain, favori de P empereur Décie} NÉARQUE, seigneur arménien, ami de Polyeucte, VAVi.m'E,,Jine de Félix et femme de Polyeucte. Stratonice, confidente de Pauline, Albin, confident de Félix, Fabian, domestique de Sévère, Cléon, domestique de Félix. Trois Gardes. La scène est à Mélitène,* capitale d'Arménie, dans le palais de Féliz*^ 14 POLYEUCTE ACTE PREMIER. SCÈNE PREMIERE. POLYEUCTE, NÉARQUE. NÉARQUE. Quoi ? vous vous arrêtez aux songes d^une femme î De si faibles sujets troublent cette grande âme ! Et ce cœur tant de fois dans la guerre éprouvé S*alarme d'un péril qu'une femme a rêvé ! POLYEUCTE. Je sais ce qu'est un songe, et le peu de croyance s Qu'un homme doit donner à son extravagance, Qui d'un amas confus des vapeurs de la nuit Forme de vains objets que le réveil détruit ; Mais vous ne savez pas ce que c'est qu'une fenîme : Vous ignorez quels droits elle a sur toute l'âme,^ lo Quand après un long temps qu'elle a su nous charmer, Les flambeaux de l'hymen viennent de s'allumer. Pauline, sans raison dans la douleur plongée, ^ Yak. Ni le juste pouvoir qu'elle prend sur une âme. (1643-1656.) ^ lO POLYEUCTE. y Craint et croit déjà voir ma mort qu'elle a songée ; v^ Elle oppose ses pleurs au dessein que je fais, > Et tâche à m'empêcher de sortir du palais. Je méprise sa crainte, et je cède à ses larmes ; 5 Elle me fait pitié sans me donner d'alarmes ; Et mon ccçur, attendri sans être intimidé, ^^ N'ose déplaire aux yeux dont il est possédé. L'occasion, Néarque, est-elle si pressante Qu'il faille être insensible aux soupirs d'une amante ? '0 Par un peu de remise épargnons son ennui, Pour faire en plein repos ce qu'il trouble aujourd'hui.^ NÉARQUE. /Jp Avez-vous cependant une pleine assurance D'avoir assez de vie ou de persévérance "t Et Dieu, qui tient votre âme et vos jours dans sa main, «5 Promet-il à vos vœux de le pouvoir demain ? ^ Il est toujours tout juste et tout bon ; mais sa grâce ^ïjV Ne descend pas toujours avec même efficace ; Après certains moments que perdent nos longueurs, Elle quitte ces traits. qui pénètrent les cœurs ; 20 Le nôtre s'endurcit, la repousse, l'égaré :' * Var. Pour ne rien déférer aux soupirs d'une amante. Remettons ce dessein qui l'accable d'ennui ; Nous le pourrons demain aussi bien qu'aujourd'hui. nAarqub. Oui, mais où prenez- vous l'mfaillible assurance . • . (i643-i656*) ■ Var. Vous a-t-il assuré du pouvoir de demain? (1643.) Vous a-t-il assuré de le pouvoir demain ? (1648-1656.) » Var. Le bras qui la versait s'arrête et se courrouce ; Notre cœur s'endurcit et sa pointe s'émousse. Et cette sainte ardeur qui nous emporte au bien Tombe sur un rocher, et n'opère plus rien. ACTE I, SCÈNE 1. 1/ Le bras qui la versait en devient plus avare, o £t cette sainte ardeur qui doit porter au bien Tombe plus rarement, ou n^opère plus rien. Celle qui vous pressait de courir au baptême, Languissante déjà, cesse d'être la même, > Et pour quelques soupirs qu'on vous a fait ouïr, A(^ Sa flamme se dissipe, et va s'évanouir. POLYEUCTE. Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle, Et le désir s'accroît quand l'effet se recule : Ces pleurs, que je regarde avec un œil d'époux, lo Me laissent dans le cœur ausisi chrétien que vous ; Mp) Mais pour en recevoir le sacré caractère. Qui lave nos forfaits dans une eau salutaire, Et qui purgeant notre âme et dessillant nos yeux,^ Nous rend le premier droit que nous avions aux cieux, 15 Bien que je le préfère aux grandeurs d'un empire, "^ Comme le bien suprême et le seul où j'aspire, Je crois, pour satisfaire un juste et saint amour, Pouvoir un peu remettre, et différer d'un jour. NÉARQUE. Ainsi du genre humain l'ennemi vous abuse ; 90 Ce qu'il ne peut de force, il l'entreprend de ruse. ^Jaloux des bons desseins qu'il tâche d'ébranler. Quand il ne les peut rompre, il pousse à reculer ; D'obstacle sur obstacle il va troubler le vôtre, Aujourd'hui par des pleurs, chaque jour par quelque autre ; 25 Et ce songe rempli de noires visions * Var. Et d'un rayon divin nous dessillant les yeux. (1643-1656.) l8 POLYEUCTE. ^ N^est que le coup d'essai de ses illusions : Il met tout en usage, et prière, et menace ; Il attaque toujours, et jamais ne se lasse ; Il croit pouvoir enfin ce qu'encore il n'a pu, 5 Et que ce qu'on diffère est à demi rompu. ^ Rompez ses premiers coups ; laissez pleurer Pauline. Dieu ne veut point d'un cœur oli le monde domine, Qui regarde en arrière, et douteux en son choix. Lorsque sa voix l'appelle, écoute une autre voix. POLYEUCTE. lo Pour se donner à lui faut-il n'aimer personne ? NÉARQUE. it^' ^^ Nous pouvons tout aimer: il le souffre, il l'ordonne; Mais à vous dire tout, ce seigneur des seigneurs ^ Veut le premier amour et les premiers honneurs. Comme rien n'est égal à sa grandeur suprême, «s'^l faut ne rien aimer qu'après lui, qu'en lui-même, v\^ Négliger, pour lui plaire, et femme, et biens, et rang. Exposer pour sa gloire et verser tout son sang. Mais que vous êtes loin de cette ardeur parfaite * Qui vous est nécessaire, et que je vous souhaite ! 10 Je ne puis vous parler que les larmes aux yeux. aK*^olyeucte, aujourd'hui qu'on nous hait en tous lieux, Qu'on croit servir l'État quand on nous persécute. Qu'aux plus âpres tourments un chrétien est en butte, Comment en pourrez-vous surmonter les douleurs, 25 Si vous ne pouvez pas résister à des pleurs ? 1 Var. Mais oe grand roi des rois, ce seigneur des seigneurs. (1643-1656.) * Vas* Mais que vous êtes loin de cette amour parfaite. (1643-1668.) ACTE I, SCENE I. I9 POLYEUCTE. Vous ne m'étonnez point : la pitié qui me blesse V Sied bien aux plus grands cœurs, et n^a point de fai- blesse.* Sur mes pareils, Néarque, un bel œil est bien fort : Tel craint de le fâcher qui ne craint pas la mort ; Et s'il faut affronter les plus cruels supplices, Y trouver des appas, en faire mes délices, 10 Votre Dieu, que je n*ose encor nommer le mien. M'en donnera la force en me faisant chrétien. -^ s NÉARQUE. Hâtez-vous donc de Têtre. POLYEUCTE. Oui, j'y cours, cher Néarque ; Je brûle d'en porter la glorieuse marque ; ,0 Mais Pauline s'affiige, et ne peut consentir, ^Ç Tant ce songe la trouble ! à me laisser sortir. NÉARQUE. Votre retour pour elle en aura plus de charmes ; Dans une heure au plus tard vous essuierez ses larmes ; Et l'heur de vous revoir lui semblera plus doux, 15 Plus elle aura pleuré pour un si cher époux. /^^ Allons, on nous attend. * Var. Est grandeur de courage aussitôt que faiblesse. (1643 et 1648 m-4*') Digne des plus grands cœurs, n'est rien moins que faiblesse. (1648 in-i2 et 1652-1656.) 20 POLYEUCTE. POLYEUCTE. Apaisez donc sa crainte, Et calmez la douleur dont son âme est atteinte. Elle revient. NÉARQUE. Fuyez. POLYEUCTE. Je ne puis. NÉARQUE. Il le faut . Fuyez un ennemi qui sait votre défaut, l'C 5 Qui le trouve aisément, qui blesse par la vue. Et dont le coup mortel vous plaît quand il vous tue. SCENE IL POLYEUCTE, NÉARQUE, PAULINE, STRATONICE. POLYEUCTE. Fuyons, puisqu^il le faut. Adieu, Pauline ; adieu : Dans une heure au plus tard je reviens en ce lieu. PAULINE. Quel sujet si pressant à sortir vous convie ? fc lo Y va-t-il de l'honneur ? y va-t-il de la vie ? POLYEUCTE. Il y va de bien plus. ACTF I, SCENE II. 21 PAULINE. Quel est donc ce secret ? POLYEUCTE. Vous le saurez un jour : je vous quitte à regret ; Mais enfin il le faut. PAULINE. Vous m'aimez ? POLYEUCTE. Je vous aime, Le ciel m'en soit témoin, cent fois plus que moi-même ; Mais . . . PAULINE. Mais mon déplaisir ne vous peut émouvoir ! 5 Vous avez des secrets que je ne puis savoir ! Quelle preuve d'amour ! Au nom de Thyménée, Donnez à mes soupirs cette seule journée. POLYEUCTE. Un songe vous fait peur ! PAULINE. Ses présages sont vains, Je le sais ; mais enfin je vous aime, et je crains. | ^(^ 10 POLYEUCTE. Ne craignez rien de mal pour une heure d'absence. Adieu : vos pleurs sur moi prennent trop de puissance j Je sens déjà mon cœur prêt à se révolter, Et ce n'est qu'en fuyant que j'y puis résister. 2Z POLY£UCT£. SCENE III. PAULINE. STRATONICE. PAULINE. .V Va, néglige mes pleurs, cours, et te précipite Au-devant de la mort que les Dieux m'ont prédite ; Suis cet agent fatal de tes mauvais destins, Qui peut-être te livre aux mains des assassins. ê 5 Tu vois, ma Stratonice, en quel siècle nous sommes ; * ^^ Voilà notre pouvoir sur les esprits des hommes ; Voilà ce qui nous reste, et l'ordinaire effet De l'amour qu'on nous offre, et des vœux qu'on nous fait Tant qu'ils ne sont qu'amants, nous sommes souveraines, lo Et jusqu'à la conquête ils nous traitent de reines;* A Mais après l'hyménée ils sont rois à leur tour. STRATONICE. P.olyeucte pour vous ne manque point d'amour ; S'il ne vous traite ici d'entière confidence. S'il part malgré vos pleurs, c'est un trait de prudence ; 15 Sans vous en affliger, présumez avec moi %(Afc Qu'il est plus à propos qu'il vous cèle pourquoi ; • Assurez-vous sur lui qu'il en a juste cause. , Il est bon qu'un mari nous cache quelque chose, . Qu'il soit quelquefois libre, et ne s'abaisse pas ^' «o A nous rendre toujours compte de tous ses pas * Var. Voilà, ma Stratonice. en ce siècle où nous sommes Notre empire absolu sur les esprits des hommes. (1643-1656.) * Var. Et jusqu'à la conquête ils nous traitent en reines. (i643-i66a) ACTE I, SCENE III. 2$ ^ On. n'a tous deux qu'un cœur qui sent mêmes traverses ; Mais ce cœur a pourtant ses fonctions diverses, Et la loi de Thymen qui vous tient assemblés N'ordonne pas qu'il tremble alors que vous tremblez. Ce qui fait vos frayeurs ne peut le mettre en peine : 5 V^^Il est Arménien» et vous êtes Romaine, -- ^ ''Et vous pouvez savoir que nos deux nations ^ N'ont pas sur ce sujet mêmes impressions : tfn-songe en n otre esprit passe pour rjd iciiJg. Iljie nous laisse espoir, ni crainte, ni scrupule; lo / \b&^LaiâJi-paâse-iiaas R.pjiifija.yec autorité ^ Pour fidèle. miroir de_ laiatalUé* - PAULINE. Quelque peu de crédit que chez vous il obtienne * Je crois que ta frayeur égalerait la mienne, Si de telles horreurs t'avaient frappé l'esprit, ij [yO Si je t'en avais fait seulement le récit. STRATONICE. A raconter ses maux souvent on les soulage . PAULINE. Écoute ; mais il faut te dire davantage, Et pue pour mieux comprendre un si triste discours, / Tu .saches ma faiblesse et mes autres amours : ' i» >5îr^Une femme d'honneur peut avouer sans honte Ces surprises des sens que la raison surmonte ; Ce n'est qu'en ces assauts qu'éclate la vertu, Et l'on doute d'un cœur qui n'a point combattu. * Var. Le mien est bien étrange, et quoique Arménienne. (1643-1656.) '" ""' ^4 POLYEUCTE. \ Dans Rome, ob je naquis, ce malheureux visage \^^ D'un chevalier romain captiva le courage; Il s'appelait Sévère : excuse les soupirs Qu'arrache encore un nom trop cher à mes désirs. STRATONICE. 5 Est-ce lui qui naguère aux dépens de sa vie / Sauva des ennemis votre empereur Décie, O Qui leur tira mourant la victoire des mains, Et fit tourner le sort des Perses aux Romains? Lui qu'entre tant de morts immolés à son maître, 10 On ne put rencontrer, ou du moins reconnaître ; A qui Décie enfin, pour des exploits si beaux, \)^ Fit si pompeusement dresser de vains tombeaux ? PAULINE. Hélas ! c'était lui-même, et jamais notre Rome N'a pipdult plus grand cœur, ni vu plus honnête homm9 15 Puisque tu le connais, je ne t'en dirai rien. M Je l'aimai, Stratonice : il le méritait bien ; \^ Mais que sert le mérite où manque la fortune ? L*un était grand en lui, l'autre faible et commune ; Tfop invincibflqf obstacle, et dont trop rarement 20 Triomphe auprès d'un père un vertueux amant ! STRATONICE. La digne occasion d'une rare constance I V^ PAULINE. Dis plutôt d'une indigne et folle résistance. Quelque fruit qu'une fille en puisse recueillir,' Ce n'est une vertu que pour qui veut faillir. ACTE I, SCENE III. 2$ Parmi ce grand amour que j'avais pour Sévère, J'attendais un époux de la main de mon père, --■' ^ Toujours prête à le prendre ; et jamais ma raison l • ' N'avoua de mes yeux l'aimable trahison. Il possédait mon cœur, mes désirs, ma pensée ; ' 5 Je ne lui cachais point combien j'étais blessée : Nous soupirions ensemble, et pleurions nos malheurs ; Mais au lieu d'espérance, il n'avait que des pleurs ; %fi% Et malgré des soupirs si doux, si favorables,\ Mon père et mon devoir étaient inexorables^ l '^ *° Enfin je quittai Rome et ce parfait amant. Pour suivre ici mon père en son gouvernement ; ^ Et lui, désespéré, s'en alla dans l'armée Z^^ Chercher d'un beau trépas l'illustre renommée. Le reste, tu le sais : mon abord en ces lieux 15 Me fit voir Polyeucte, et je plus à ses yeux ; Et comme il est ici le chef de la noblesse. Mon père fut ravi qu'il me prît pour maîtresse, >;|D Et par son alliance il se crut assuré D'être plus redoutable et plus considéré : ao Il approuva sa fiamme, et conclut l'hyménée ; Et moi, comme à son lit je me vis destinée^^ f Je donnai par devoir à son affection ^•'l^NS ^ \ . \ -s \Tout ce que l'autre avait par inclination. ) Si tu peux en douter, juge-le par la crainte 25 Dont en ce triste jour tu me vois l'âme atteinte.* * Var. Dont encore pour lui tu me vois Tâme atteinte. STRATONICK. Je crois que vous l'aimez autant qu'on peut aimer. Mais quel songe, après tout, a pu vous alarmer ? (1643-1656.) 26 POLYEUCTE. STRATONICE. fi' / Elle fait assez voir à quel point vous l'aimez. p Mais quel songe, après tout, tient vos sens alarmés? * PAULINE. Je l'ai vu cette nuit, ce malheureux Sévère, La vengeance à la main, l'œil ardent de colère : / 5 II n'était point couvert de ces tristes lambeaux A^ Qu'une ombre désolée emporte des tombeaux ; ^^ Il n'était point percé de ces coups pleins de gloire '•' Qui retranchant sa vie, assurent sa mémoire ; Il • semblait triomphant, et tel que sur son char 10 Victorieux dans Rome entre notre César. Après un peu d'effroi que m'a donné sa vue : ^ SCENE IV. FÉLIX, ALBIN, PAULINE, STRATONICE. FÉLIX. Ma fille, que ton songe ^ En d'étranges frayeurs ainsi que toi me plonge ! Que j*en crains les effets, qui semblent s'approcher ! PAULINE. Quelle subite alarme ainsi vous peut toucher ? ^ FÉLIX. 5 Séyèren'est point moffc PAULINE. J Quel mal nous fait sa vie? u FÉLIX. Il est le favori de l'empereur Décie. PAULINE. Après l'avoir sauvé des mains des ennemis, L'espoir d'un si haut rang lui devenait permis ; f^ Le destin, aux grands cœurs si souvent mal propice, 10 Se résout quelquefois à leur faire justice. /» W * Var. Que depuis peu ton songe (1648 in-12 et 1652-1656.) En d'étranges frayeurs depuis un peu me plonge. (1643 ^^ 164S in-4".) S Var. De grâce apprenez-moi ce qui vous peut toucher. (1643 et 1648 in-4*.) ACTE I, SCENE IV. 2g 11 vient ici lui-même. FÉLIX. PAULINE. Jl vient ! FÉLIX. Tu le vas voir. PAULINE. C'en est trop; mais comment le pouvez-vous savoir? FÉLIX. Albin Ta rencontré dans la proche campagne ; Un gros de courtisans en foule raccompagne, Et montre assez quel est son rang et son crédit ; Mais, Albin, redis-lui ce que ses gens t*ont dit. ALBIN. ï^ Vous savez quelle fut cette grande journée, Que sa perte pour nous rendit si fortunée, Ou l'Empereur captif, par sa main dégagé, Rassura son parti déjà découragé, loTfl Tandis que sa vertu succomba sous le nombre ; Vous savez les honneurs qu'on fit faire à son ombre, Après qu'entre les morts on ne le put trouver : Le roi de Perse aussi l'avait fait enlever. j Témoin de ses hauts faits et de son grand courage,^ «sZ.^^ Ce monarque en voulut connaître le visage ; On le mit dans sa tente, oli tout percé de coups, 1 Var. Témoin de ses hauts faits, encor qu'à son dommage, Il en voulut tout mort connaître le visage. (1643-1656.) 30 POLYEUCTE. Tout mort qu'il paraissait, il fit mille jaloux;^ Là bientôt il montra quelque signe de vie : *l/h Ce prince généreux en eut l'âme ravie,* Et sa joie, en dépit de son dernier malheur, 5 Du bras qui le causait honora la valeur ; Il en fit prendre soin, la cure en fut secrète ; Et comme au bout d'un mois sa santé fut parfaite,' X(h II offrit dignités, alliance, trésors. Et pour gagner Sévère il fit cent vains efforts, lo Après avoir comblé ses refus de louange, Il envoie à Décie en proposer l'échange ; Et soudain l'Empereur, transporté de plaisir, yD Offre au Perse son frère et cent chefs à choisir. Ainsi revint au camp le valeureux Sévère 15 De sa haute vertu recevoir le salaire ; La faveur de Décie en fut le digne prix. De nouveau l'on combat, et nous sommes surpris. 1\S Ge malheur toutefois sert à croître sa gloire : Lui seul rétablit Tordre, et gagne la victoire, 20 Mais si belle, et si pleine, et par tant de beaux faits, Qu'on nous offre tribut, et nous faisons la paix. L'Empereur, qui lui montre une amour infinie,* ^y/^Après ce grand succès l'envoie en Arménie; Il vient en apporter la nouvelle en ces lieux, 25 Et par un sacrifice en rendre hommage aux Dieux.* * Var. Chacun plaignit son sort, bien qu'il en fût ialoux. (1643-1656.) * Var. Ce généreux monarque en eut l'âme ravie, • ^ Et vaincu qu'il était, oublia son malheur. Pour dans son auteur même honorer la valeur. (1643-1656.) s Var. Et comme au bout du mois sa santé fut parfaite. (1664 in-8^) * Var. L'Empereur lui témoigne une amour infinie Et ravi du succès, l'envoie en Arménie. (1643-1656.) S Var. Et par un sacrifice en rendre grâce aux Dieux. (1643-1656.) ACTE I, SCENE IV. 3I FÉLIX. O ciel ! en quel état ma fortune est réduite ! ALBIN. Voilà ce que j'ai su d'un homme de sa suite, Et j'ai couru, Seigneur, pour vous y disposer. FÉLIX. Ah ! sans doute, ma fille, il vient pour t'épouser : L'ordre d'un sacrifice est pour lui peu de chose ; 5 C'est un prétexte faux dont l'amour est la cause. PAULINE. Cela pourrait bien être : il m'aimait chèrement. FÉLIX. Que ne permettra-t-il à son ressentiment? * * Et jusques à qu el point ne port e sa venge ance Une juste colère avec tant de puissance ? ^^ 10 Il nous perdra, ma fille. ^ •" PAULINE. Il est trop généreux, / FÉLIX. Tu veux flatter en vain un père malheureux : Il nous perdra, ma fille. Ah ! regret qui me tue De n'avoir pas aimé la vertu toute nue ! Ah! Pauline, en effet,^u m'as trop obéîV^ Ton courage était bon,*4on devoir l'a trahi.^^ »^ / 32 POLYEUCTE. Que ta rébellion m'eût été favorable ! ^ff^ Qu'elle m'eût garanti d'un état déplorable ! Si quelque espoir me reste, il n'est plus aujourd'hui \^ Qu'en l'absolu pouvoir qu'il te donnait sur lui ; S Ménage en ma faveur l'amour qui le possède, ^t d'oîi provient mon mal fais sortir le remède. • PAULINE. ^ Moi, moi ! que je revoie un si puissant vainqueur, Et m'expose à des yeux qui me percent le cœur ! Mon père, je suis femme, et je sais ma faiblesse ; «o Jfe sens déjà mon cœur qui pour lui s'intéresse, Et poussera sans doute, en dépit de ma foi, V>^ Quelque soupir indigne et de vous et de moi. Je ne le verrai point. FÉLIX. Rassure un peu ton âme. PAULINE. ,^^ I^iBSt toujours aimable, et je suis toujours femme 15 Dafe le pouvoir sur moi que ses regards ont eu, Je n'ose m'assurer de toute ma vertu.^ Je ne le verrai point. FÉLIX. Il faut le voir, ma fille. Ou tu trahis ton père et toute ta famille. PAULINE. C'est à moi d'obéir, puisque vous commandez ; 20 Mais voyez les périls où vous me hasardez. * Var. Je ne me réponds pas de toute ma vertu. (1643-1660.) ACTE I, SCENE IV. 33 FÉLIX. Ta vertu m'est connue. PAULINE. Elle vaincra sans doute; Ce n'est pas le succès que mon âme redoute : S ^^ Je crains ce dur combat et ces troubles puissants Que fait de'jà chez moi la révolte des sens ; Mais puisqu'il faut combattre un ennemi que j'aime, f Souffrez que je me puisse armer contre moi-même, Et qu'un peu de loisir me prépare à le voir. î45 FÉLIX. Jusqu'au-devant des murs je vais le recevoir; Rappelle cependant tes forces étonnées, Et songe qu'en tes mains tu tiens nos destinées. m PAULINE. Oui, je vais de nouveau dompter mes sentiments, ^vir de victime à vos commandements. 2^16 34 POLYEUCTE. ACTE IL SCÈNE PREMIÈRE. SÉVÈRE, FABIAN. t SÉVÈRE. i" Cependant que Félix donne ordre au sacrifice, v^ ' Pourrai-je prendre un temps à mes vœux si propice? La" ' V^F^V^^?H^ ^o^^ Pauline, et rendre à ses beaux yeux j^^. <À * L'hommage souverain que Ton va rendre aux Dieux? V\*J 5 Je ne t'ai point celé que c'est ce qui m'amène, Le reste est un prétexte à soulager ma peine ; * Je viens sacrifier, mais c'est à ses beautés Que je viens immoler toutes mes volontés. \. ->?? FABIAN. Vous la verrez, Seigneur. SÉVÈRE. Ah ! quel comble de joie t lo Cette chère beauté consent que je la voie ! ^ 'Mais ai-je sur son âme encor quelque pouvoir } Quelque reste d'amour s'y fait-il encor voir ? ' Quel trouble, quel transport lui cause ma venue ? * Var. Du reste, mon esprit ne s'en met guère en peine. (1643-1656-) * Var. Cet adorable objet consent que je le voie. (1643-1656.) ^V^-Var, En lui parlant d'amour l'as-tu vu s'émouvoir. (1643.) £n lui parlant de moi l'as tu vu s'émouvoir. (1648-1660.) ACTE II, SCENE I. 35 Puis-je tout espérer de cette heureuse vue ? Car je voudrais mourir plutôt que d'abuser %^S Des lettres de faveur que j'ai pour Tépouser; Elles sont pour Félix, non pour triompher d'elle : Jamais à ses désirs mon cœur ne fut rebelle ; 5 Et si mon mauvais sort avait changé le sien, Je me vaincrais moi-même, et ne prétendrais rien. \Qk FABIAN. Vous la verrez, c'est tout ce que je vous puis dire. SÉVÈRE. D'où vient que tu frémis, et que ton cœur soupire ? Ne m'aime-t-elle plus ? éclaircis-moi ce point. lo /i^< FABIAN. M'en croirez-vous. Seigneur ? ne la revoyez point ; Portez en lieu plus haut l'honneur de vos caresses : Vous trouverez à Rome assez d'autres maîtresses ; Et dans ce haut degré de puissance et d'honneur. Les plus grands y tiendront votre amour à bonheur. ij SÉVÈRE. Qu'à des pensers si bas mon âme se ravale ! Que je tienne Pauline à mon sort inégale ! T''* Elle en a mieux usé, je la dois imiter ; Je n'aime mon bonheur que pour la mériter. Voyons-la, Fabian ; ton discours m'importune ; 20 Allons mettre à ses pieds cette haute fortune : Je l'ai dans les combats trouvée heureusement, En cherchant une mort digne de son amant; ¥^ 36 POLYEUCTE. Ainsi ce rang est sien, cette faveur est sienne, Et je n*ai rien enfin que d'elle je ne tienne. FABIAN. Non, mais encore un coup ne la revoyez point. SÉVÈRE. ^'^ Ah ! c'en est trop, enfin éclaircis-moi ce point; 5 As-tu vu des froideurs quand tu Ten as priée ? FABIAN. Je tremble à vous le dire ; elle est • • • SÉVÈRE. Quoi? FABIAN. \/ Mariée. SÉVÈRE. Soutiens-moi, Fabian ; ce coup de foudre est grand. Et frappe d'autant plus que plus il me surprend. FABIAN. H«^ Seigneur, qu'est devenu ce généreux courage? SÉVÈRE. 10 La constance est ici d'un difficile usage : De pareils déplaisirs accablent un grand cœur; La vertu la plus mâle en perd toute vigueur ; Et quand d'un feu si beau les âmes sont éprises, Itf-^La mort les trouble moms que de telles surprises, ï5 Je ne suis plus à moi quand j'entends ce discours.^ I * Pauline est mariée ! * Vas. J'ai de la peine encore à croire tes discours. (i643-i6ooi| ACTE II, SCÈNE 1. 37 FABIAN. Oui, depuis quinze jours, ^, Polyeucte, un seigneur des premiers d'Arménie, Goûte de son hymen la douceur infinie. *2fZ* SÉVÈRE. Je ne la puis du moins blâmer d'un mauvais choix, f\ Polyeucte a du nom, et sort du sang des rois. ^ \ 5 Faibles soulagements d'un malheur sans remède ! Pauline, je verrai qu'un autre vous possède ! O ciel^ qui malgré moi me renvoyez au jou r, H i^ O sort, qui redonniez Tespoir à mor^ amonr ^ Reprenez la faveur que vous m'avez prêté e, Et rendez -moi la mort eu e vous m'avez ôtée. V Voyons-la toutefois, et dans ce triste lieu Achevons de mourir en lui disant adieu ; Que mon cœur, chez les morts emportant son image. De son dernier soupir puisse lui faire hommage 1 FABIAN. Seigneur, considérez . . . SÉVÈRE. Tout est considéré. Quel désordre peut craindre un cœur désespéré ? N'y consent-elle pas ? FABIAN. Oui, Seigneur, mais • • oS V ËR £«• N'importe. 4y» \. 1^ 38 POLYEUCTE. FABIAN, Cette vive douleur en deviendra plus forte. SÉVÈRE, Et ce n'est pas un mal que je veuille guérir ; Je ne veux que la voir, soupirer, et mourir. FABIAN. Vous vous échapperez sans doute en sa présence : 5 Un amant qui perd tout n'a plus de complaisance ; Dans un tel entretien il suit sa passion,^ Et ne pousse qu'injure et qu'imprécation. SÉVÈRE. Juge autrement de moi : mon respect dure encore ; Tout violent qu'il est, mon désespoir l'adore. tj4^ 10 Quels reproches aussi peuvent m'être permis ? De quoi puis-je accuser qui ne m'a rien promis ? Elle n'est point parjure, elle n'est point légère : \ Son devo ir m'a trahi, mon malheur, et son père. "l^lMais son de voir fut juste, et son père eut raison : *^V i*5i J'i^'T^îï^ "^o" malheur toute la trahison ; Un peu moins de fortune, et plus tôt arrivée, Eût gagné l'un par l'autre, et me l'eût conservée ; \ Trop heureux, mais trop tard, je n'ai pu l'acquérir: Yt; Laisse-la-moi donc voir, soupirer, et mourir. FABIAN. v\'* 80 Oui, je vais l'assurer qu'en ce malheur extrême Vous êtes assez fort pour vous vaincre vous-même. ^ Var. Dans un tel désespoir il suit sa passion. (1643 et 1648 in.4°.) ACTE II, SCÈNE II. 39 Elle a craint comme moi ces premiers mouvements Qu'une perte imprévue arrache aux vrais amants, Et dont la violence excite assez de trouble, ^ Sans que Tobjet présent l'irrite et le redouble.* ylsS SÉVÈRE. Fabian, je la vois. FABIAN. Seigneur, souvenez-vous . • SÉVÈRE. Hélas ! elle aime un autre, un autre est son époux. SCÈNE IL SÉVÈRE, PAULINE, STRATONICE. FABIAN. PAULINE. Oui, je Taime, Seigneur,* et n'en fais point d'excuse ; Que tout autre que moi vous flatte et vous abuse, Pauline a l'âme noble, et parle à cœur ouvert : ^"1^ Le bruit de votre mort n'est point ce qui vous perd. Ao Si le ciel en mon choix eût mis mon hyménée, A vos seules vertus je me serais donnée, / Et toute la rigueur de votre premier sort Contre votre mérite eût fait un vain effort. Je découvrais en vous d'assez illustres marques 15 Pour vous préférer même aux plus heureux monarques; Mais puisque mon devoir m'imposait d'autres lois, 1 Var. Sans que l'objet présent Pirrite et la redouble. (1643-1660.) • Var. Oui, je l'aime, Sévère . . (i643-i6ô4.\ ^\^^ 40 POLYEUCTE. • ^De quelque amant pour moi que mon père eût fait choiXi OT^uand à ce grand pouvoir que la valeur vous donne Vous auriez ajouté l^clat d'une couronne, Quand je vous^tïfiis vu, quand je l'aurais hai^ 5 J'en aurais soupiré, mais j'aurais obéi, t sur mes passions ma rai son souver aijag Eût blâmé mes~soupirret dissipé ma haine. SÉVÈRE. Que vous êtes heureuse, et qu'un peu de soupirs Fait un aisé remède à tous vos déplaisirs! * lo Ainsi de vos désirs toujours reine absolue, Les plus grands changements vous trouvent résolue ; ^^^De la plus forte ardeur * vous portez vos esprits Jusqu'à l'indifférence et peut-être au mépris; Et votre fermeté fait succéder sans peine '5 La faveur au dédain, et l'amour à la haine.* Qu'un peu de votre humeur ou de votre vertu Ù^^ Soulagerait les maux de ce cœur abattu ! Un soupir, une larme à regret épandue M'aurait déjà guéri de vous avoir perdue ; 2o Ma raison pourrait tout sur l'amour affaibli. Et de l'indifférence irait jusqu'à l'oubli ; ufthEt mon feu désormais se réglant sur le vôtre, Je me tiendrais heureux entre les bras d'une autre. O trop aimable objet, qui m'avez trop charmé, «5 Est-ce là comme on aime, et m'avez-vous aimé ? * Var. Vous acquitte aisément de tous vos dëplaisirs. (1643-1656.) • Var. De la plus forte amour . . . (1643-1656.) ' Var. La faveur au mépris et l'amour à la haine. (i643-'i6|6k) ACTE II, SCENE II. 4I PAULINE. Je VOUS Tai trop fait voir, Seigneur ; et si mon âme * ^ Pouvait bien étouffer les restes de sa flamme, T/ ^ 1 Dieux, que j'éviterais de rigoureux tourments I Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments,*V Mais quelque autorité que sur eux elle ait prise,i 5 , Elle n'y règne pas, elle les tyrannise ^ Et quoique le dehors soit sans émotion, ^(J Le dedans n'est que trouble et que sédition. Un je ne sais quel charme encor vers vous m'emporte ; Votre mérite est grand, si ma raison est forte : 10 Je le vois encor tel qu'il alluma mes feux. D'autant plus puissamment solliciter mes vœux, ^^^ Qu'il est environné de puissance et de gloire. Qu'en tous lieux après vous ri traîne la victoire. Que j'en sais mieux le prix, et qu'il n'a point déçu 15 Le généreux espoir que j'en avais conçu. Mais ce même devoir qui le vainquit dans Rome, S/0 Et qui me range ici dessous les lois d'un homme, Repousse encor si bien l'effort de tant d'appas, Qu'il déchire mon âme et ne l'ébranlé pas. 20 C'est cette vertu même, à nos désirs cruelle, ' Que vous louiez alors en blasphémant contre elle : ^Vo Plaignez-vous-en encor ; mais louez sa rigueur. Qui triomphe à la fois de vous et de mon cœur ; Et voyez qu'un devoir moins ferme et moins sincère* 2% N'aurait pas mérité l'amour du grand Sévère.^ I Var. Je vous aimai. Sévère, et si dedans mon âme Je pouvais étouffer les restes de ma flamme. (1643-1656.) ' Var. Ma raison, il est vrai, dompte mes mouvements. (1643-1656.) * Var. De plus bas sentiments n'auraient pas méritée Cette parfaite amour que vous m'avez portée. (1643 et 1648 in-4*.) De plus bas sentiments d'une ardeur moins discrète N*auraient pas mérité cette amour si parfaite. (1648 in-r2, 1656.) 42 POLYEUCTE. ÇP SÉVÈRE. Ah 1 Madame, excusez une aveugle douleur ^ Qui ne connaît plus rien que l'excès du malheur : Jç nommais inconstance, et prenais pour un crime ^ De ce juste devoir l'effort le plus sublime. s De grâce, montrez moins à mes sens désolés ^ÇP La grandeur de ma perte et ce que vous valez ; Et cachant par pitié cette vertu si rare, Qui redouble mes feux lorsqu'elle nous sépare, Faites voir des défauts qui puissent à leur tour lo Affaiblir ma douleur avecque mon amour. PAULINE. y^ Hélas ! cette vertu, quoique enfin invincible, , Ne laisse que trop voir une âme trop sensible.XU/W^Jw^-'^ Ces pleurs en sont témoins, et ces lâches soupirs Qu'arrachent de nos feux les cruels souvenirs : \% Trop rigoureux effets d'une aimable présence A j Contre qui mon devoir a trop peu de défense î Mais si vous estimez ce vertueux devoir. Conservez-m'en la gloire, et cessez de me voir. Épargnez-moi des pleurs qui coulent à ma honte : 20 Épargnez-moi des feux qu'à regret je surmonte ; {LuO Eilfin épargnez-moi ces tristes entretiens. Qui ne font qu'irriter vos tourments et les miens. V SÉVÈRE. ^Que je me prive ainsi du seul bien qui me reste ! 1 Var. Ah ! Pauline . . . ' Var. Je nommais inconstance et prenais pour des crimes D'un vertueux devoir les efforts légitimes. (1643-1656.) ACTE H, SCÈNE II. 43 PAULINE. ^êf^ Sauvez-vous d'une vue à tous les deux funeste. SÉVÈRE. Quel prix de mon amour ! quel fruit de mes travaux ! PAULINE. C'est le remède seul qui peut guérir nos maux. SÉVÈRE. . \ Je veux mourir des miens : aimez-en la mémoire, u PAULINE. \ ire.U Je veux guérir des miens : ils souilleraient ma gloi SÉVÈRE. Ah ! puisque votre gloire en prononce Tarrêt, ^ ^ Il faut que ma douleur cède à son intérêt. Est-il rien que sur moi cette gloire n'obtienne t * Elle me rend les soins que je dois à la mienne. Adieu : je. v aifrc herchcj au milieu des combats ^ lo Cette '\vc\\ ç^c\r\^\\\é^ qiif> donne un beau trépas, / Et remplir dignement, par une .mort pompeuse, De mes premiers exploits l'attente avantageuse, Si toutefois, après ce coup mortel du sort, J'ai fje la vie ^ ssez pour chercheouxia mort: CAJ^ '5 PAULINE. Et moi, dont votre vue augmente le supplice, [e l'éviterai même en votre sacrifice ; * / 7 * Var. D'un cœur comme le mien, qu'est-ce qu'elle n'obtienne? Vous réveillez les soins que je dois à la mienne. (1643-1656.) Il n'est rien que sur moi cette gloire n'obtienne. (1660-1664.) * Var. Je la veux éviter, mêmes au sacrifice. ^c^. 44 POLYEUCTE. V Et seule dans ma chambre enfermant mes regrets, Je vais pour vous aux Dieux faire des vœux secrets. SÉVÈRE. Puisse le juste ciel, content de ma ruine, Combler d'heur et de jours Polyeucte et Pauline l' PAULINE. 5 Puisse trouver Sévère, après tant de malheur, Une félicité digne de sa valeur ! SÉVÈRE. Il la trouvait en vous. <^ PAULINE. Je dépendais d'un père. SÉVÈRE. O devoir qui me perd et qui me désespère ! Adieu, trop vertueux objet, et trop charmant. PAULINE. lo Adieu, trop malheureux et trop parfait amant. SCENE III. PAULINE, STRATONICE. STRATONICE. Je vous ai plaints tous deux, j*en verse encor des larmes,* Mais du moins votre esprit est hors de ses alarmes : Vous voyez clairement que votre songe est vain : '§.évère ne vient pas la vengeance à la main. ACTE II, SCENE III, 45 PAULINE. Laisse-moi respirer du moins, si tu m'as plainte : Au fort de ma douleur tu rappelles ma crainte ; Souffre un peu de relâche à mes esprits troublés, £t ne m'accable point par des maux redoublés. STRATONICE. Quoi ? vous craignez encor ! PAULINE. ^ Si j'avais différé de punir un tel crime. Quoiqu'il soit généreux, quoiqu'il soit magnanime, '-0 II est homme, et sensible, et je l'ai dédaigné ; Et de tant de mépris son esprit indigné,^ Que met au désespoir cet hymen de Pauline, Du courroux de Décie obtiendrait ma ruine. Pour venger un affront tout semble être permis, ^ Var. Et des mépris reçus son esprit indigna, (i643''i656.) ACTE III, SCÈNE V. /I Et les occasions tentent les plus remis. Peut-être, et ce soupçon n'est pas sans apparence, Il rallume en son cœur déjà quelque espérance ; Et croyant bientôt voir Polyeucte puni, Il rappelle un amour à grand'peine banni. 5 Juge si sa colère, en ce cas implacable. Me ferait innocent de sauver un coupable, Et s'il m'épargnerait, voyant par mes bontés Une seconde fois ses desseins avortés. Te dirai-je un penser indigne, bas et lâche ? lo Je rétoufïe, il renaît ; il me flatte, et me fâche : L'ambition toujours me le vient présenter, i ' Et tout ce que je puis, c'est de le détester. Polyeucte est ici l'appui de ma famille ; Mais si, par son trépas, l'autre épousait ma fille, Vn^ 15 J'acquerrais bien par là de plus puissants appuis,^ \\^ . Qui me mettraient plus haut cent fois que je ne suis.-' \ Mon cœur en prend par force une maligne joie ; » Mais que plutôt le ciel à tes yeux me foudroie, Qu'à des pensers si bas je puisse consentir, ao Que jusque-là ma gloire ose se démentir I ALBIN. Votre cœur est trop bon, et votre âme trop haute. Mais vous résolvez-vous à punir cette faute ? FÉLIX. Je vais dans la prison faire tout mon effort A vaincre cet esprit par l'effroi de la mort ; *5 Et nous verrons après ce que pourra Pauline.* * Var. J'enqdoterai pub après le pouvoir de Pauline. (1643-1656.) 72 POLYEUCTE. ALBIN. Que ferez-vous enfin, si toujours il s'obstine? FÉLIX. Ne me presse point tant : dans un tel déplaisir Je ne puis que résoudre et ne sais que choisir. ALBIN. Je dois vous avertir, en serviteur fidèle, 5 Qu'en sa faveur déjà la ville se rebelle. Et ne peut voir passer par la rigueur des lois Sa dernière espérance et le sang de ses rois. Je tiens sa prison même assez mal assurée.* J'ai laissé tout autour une troupe éplorée; 10 Je crains qu'on ne la force. FÉLIX. Il faut donc l'en tirer^ £t l'amener ici pour nous en assurer. ALBIN. Tirez-l'en donc vous-même, et d'un espoir de grâce Apaisez la fureur de cette populace. FÉLIX. jWlons, et s'il persiste à demeurer chrétien, 'I5 Nous en disposerons sans qu'elle en sache rien, ^ Var. Et même sa prison n'est pa*^ 'ort assurée. (1643-1656.) ACTE IV, SCÈNE I. 73 ACTE IV. SCENE PREMIERE. POLYEUCTE, CLÉON, trois autres Gardes. POLYEUCTE. Gardes, que me veut-on ? /A *ô CLÉON. Pauline vous demande. POLYEUCTE. O présence, ô combat que surtout j'appréhende ! Félix, dans la prison j'ai triomphé de toi, J'ai ri de ta menace, et t'ai vu sans effroi : Tu prends pour t'en venger de plus puissantes armes ; 5 Je craignais beaucoup moins tes bourreaux que ses larmes. JMS" Seigneur, qui vois ici les périls que je cours. En ce pressant besoin redouble ton secours ; Et toi qui, tout sortant encor de la victoire, Regardes mes travaux du séjour de la gloire, 10 Cher Néarque, pour vaincre un si fort ennemi, lO^O Prête du haut du ciel la main à ton ami. Gardes, oseriez-vous me rendre un bon office } Non pour me dérober aux rigueurs du supplice :* * Var. cl Var. Dessus ces illustres coupables. (1643-1656.) s Var. Qu'un rival plus puissant lui donne dans les yeux. (1643-1656.) 76 POLYEUCTE. Et qu'à titre d'esclave il commande en ces lieux; Je consens, ou plutôt j'aspire à ma ruine. Monde, pour moi tu n'as plus rien : ^ Je porte en un cœur tout chrétien « Une flamme toute divine : Et je ne regarde Pauline Que comme un obstacle à mon bien. Saintes douceurs du ciel, adorables idées, Vous remplissez un cœur qui vous peut recevoir : lo De vos sacrés attraits les âmes possédées Ne conçoivent plus rien qui les puisse émouvoir. Vous promettez beaucoup, et donnez davantage : Vos biens ne sont point inconstants ; Et l'heureux trépas que j'attends 15 Ne vous sert que d'un doux passage Pour nous introduire au partage Qui nous rend à jamais contents. C'est vous, ô feu divin que rien ne peut éteindre, Qui m'allez faire voir Pauline sans la craindre. 20 Je la vois ; mais mon cœur, d'un saint zèle enflammé, N'en goûte plus l'appas dont il était charmé ; Et mes yeux, éclairés des célestes lumières, Ne trouvent plus aux siens leurs grâces coutumières. > Var. Vains appas, vous ne m'êtes rien. (1643-1656.) ACTE IV, SCENE III. JJ SCENE m. POLYEUCTE, PAULINE, Gardes. POLYEUCTE. Madame, quel dessein vous fait me demander ? Est-ce pour me combattre, ou pour me seconder ? Cet effort généreux de votre amour parfaite Vient-il à mon secours, vient-il à ma défaite ? ApfK)rtez-vous ici la haine, ou Tamitié, 5 Comme mon ennemie, ou ma chère moitié ? PAULINE. Vous n'avez point ici d'ennemi que vous-même : Seul vous vous haïssez, lorsque chacun vous aime ; Seul vous exécutez tout ce que j*ai rêvé : Ne veuillez pas vous perdre, et vous êtes sauvé. lo A quelque extrémité que votre crime passe, Vous êtes innocent si vous vous faites grâce. Daignez considérer le sang dont vous sortez, Vos grandes actions, vos rares qualités : Chéri de tout le peuple, estimé chez le prince, «5 Gendre du gouverneur de toute la province. Je ne vous compte à rien le nom de mon époux : C'est un bonheur pour moi qui n'est pas grand pour vous ; Mais après vos exploits, après votre naissance. Après votre pouvoir, voyez notre espérance, «o Et n'abandonnez pas à la main d'un bourreau Ce qu'à nos juste? vœux promet un sort si beau. 78 POLYEUCTE. POLYEUCTE. Je considère plus ; je sais mes avantages, Et l'espoir que sur eux forment les grands courages : Ils n'aspirent enfin qu'à des biens passagers, Que troublent les soucis, que suivent les dangers; 5 La mort nous les ravit, la fortune s'en joue ; Aujourd'hui dans le trône, et demain dans la boue ; Et leur plus haut éclat fait tant de mécontents, Que peu de vos Césars en ont joui longtemps. J'ai de l'ambition, mais plus noble et plus belle : 10 Cette grandeur périt, j'en veux une immortelle, Un bonheur assuré, sans mesure et sans fin, Au-dessus de l'envie, au-dessus du destin. Est-ce trop l'acheter que d'une triste vie Qui tantôt, qui soudain me peut être ravie, 15 Qui ne me fait jouir que d'un instant qui fuit, Et ne peut m'assurer de celui qui le suit ? PAULINE. Voilà de vos chrétiens les ridicules songes ; Voilà jusqu'à quel point vous charment leurs mensonges Tout votre sang est peu pour un bonheur si doux I 20 Mais pour en disposer, ce sang est-il à vous ? Vous n'avez pas la vie ainsi qu'un héritage ; Le jour qui vous la donne en même temps l'engage 1 Vous la devez au prince; au public, à l'Etat. POLYEUCTE. Je la voudrais pour eux perdre dans un combat ; 1$ Je sais quel en est l'heur, et quelle en est la gloire. Des aïeux de Décie on vante la mémoire ; ^t ce nom, précieux encore à vos Romains, ACTE IV, SCÈNE III. 79 Au bout de six cents ans lui met Tempire aux mains, i Je dois ma vie au peuple, au prince, à sa couronne; > ' Mais je la dois bien plus au Dieu qui me la donne \ ^ \ - Si mourir pour son prince est un illustre sort, Quand, on meurt pour son Dieu, quelle sera la mort ! 5 PAULINE. Quel Dieul POLYEUCTE. Tout beau, Pauline : il entend vos paroles, Et ce n'est pas un Dieu comme vos Dieux frivoles, Insensibles et sourds, impuissants, mutilés. De bois, de marbre, ou d'or, comme vous les voulez : C'est le Dieu des chrétiens, c'est le mien, c'est le vôtre ; lo Et la terre et le ciel n'en connaissent point d'autre. PAULINE. V Adorez-le dans l'âme, et n'en témoignez rien. / POLVEUCTE. Que je sois tout ensemble idolâtre et chrétien ! PAULINE. s Ne feignez qu'un moment, laissez partir Sévère, \ Et donnez lieu d'agir aux bontés de mon père. ' is POLYEUCTE. Les bontés de mon Dieu sont bien plus à chérir : Il m'ôte des périls que j'aurais pu courir, Et sans me laisser lieu de tourner en arrière, Sa faveur me couronne entrant dans la carrière Du premier coup de vent il me conduit au port, ao 80 POLYEUCTE. Et sortant du baptême, il m'envoie à la mort. Si vous pouviez comprendre et le peu qu'est la vie, Et de quelles douceurs cette mort est suivie ! Mais que sert de parler de ces trésors cachés 5 A des esprits que Dieu n'a pas encor touchés ? PAULINE. Cruel, car il est temps que ma douleur éclate, Et qu'un juste reproche accable une âme ingrate, Est-ce là ce beau feu ? sont-ce là tes serments ? Témoignes-tu pour moi les moindres sentiments ? 10 Je ne te parlais point de l'état déplorable Où ta mort va laisser ta femme inconsolable ; Je croyais que l'amour t'en parlerait assez. Et je ne voulais pas de sentiments forcés ; Mais cette amour si ferme et si bien méritée s 5 Que tu m'avais promise, et que je t'ai portée. Quand tu me veux quitter, quand tu me fais mourir. Te peut-elle arracher une larme, un soupir ? Tu me quittes, ingrat, et le fais avec joie ; ^ Tu ne la caches pas, tu veux que je la voie, 2o Et ton cœur insensible à ces tristes appas. Se figure un bonheur ob je ne serai pas ! C'est donc là le dégoût qu'apporte l'hyménée ? Je te suis odieuse après m'être donnée ! POLYEUCTE. Hélas I PAULINE. Que cet hélas a de peine à sortir ! «5 Encor s'il commençait un heureux repentir * * Yar. Tu me quittes, ingrat, et mêmes avec joie. (1643-1656.) * Yak. Encore s'il marquait un heureux repentir. (1643-1656.) ACTE IV, SCÈNE III. 8l Que tout forcé qu'il est, j'y trouverais de charmes! Mais courage, il s'émeut, je vois couler des larmes. POLYEUCTE. J'en verse, et plût à Dieu qu'à force d'en verser Ce cœur trop endurci se pût enfin percer ! Le déplorable état ob je vous abandonne 5 Est bien digne des pleurs que mon amour vous donne ; Et si l'on peut au ciel sentir quelques douleurs,^ J'y pleurerai pour vous l'excès de vos malheurs j Mais si, dans ce séjour de gloire et de lumière. Ce Dieu tout juste et bon peut souffrir ma prière, lo S'il y daigne écouter un conjugal amour, Sur votre aveuglement il répandra le jour. Seigneur, de vos bontés il faut que je l'obtienne ; Elle a trop de vertus pour n'être pas chrétienne ; / ^^ .vec trop deTm^rite il vous plut la former, 15 Pour ne vous pas connaître et ne vous pas aimer, Pour vivre des enfers esclave infortunée, Et sous leur triste joug mourir comme elle est née. PAULINE. Que dis-tu, malheureux ? qu'oses-tu souhaiter ? POLYEUCTE. Ce que de tout mon sang je voudrais acheter. 20 PAULINE. Que plutôt . . . ^ Yar. Et si Ton peut au ciel emporter des douleurs, J'en emporte de troir l'excès de vos malheurs. (1643-1656.) 82 POLYEUCTE. POLYEUCTE. C'est en vain qu'on se met en défense ; Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense. Ce bienheureux moment n'est pas encor venu ; Il viendra, mais le temps ne m'en est pas connu. PAULINE. 5 Quittez cette chimère, et m'aimez. POLYEUCTE. Je vous aime, beaucoup moins que mon Dieu, mais bien plus que moî- / r même. € m PAULINE. Au nom de cet amour ne m'abandonnez pas. POLYEUCTE. Au nom de cet amour, daignez suivre mes p as.* PAULINE. C'est peu de me quitter, tu veux donc me séduire ? POLYEUCTE. 10 C'est peu d'aller au ciel, je vous y veux conduire." PAULINE. Imaginations 1 POLYEUCTE. Célestes vérités ! ^ Var. Au nom de cet amour venez suivre mes pas. (1643-1656.) ACTE IV, SCÈNE IV. 8$ PAULINE. Étrange aveuglement ! POLVEUCTE. Éternelles clartés ! PAULINE. Tu préfères la mort à Tamour de Pauline ! POLVEUCTE. Vous préférez le monde à la bonté divine ! PAULINE. Vaj^iifil, va rQfMinr :jtu ne m'aimas jamais. y polyêùWêT' Vivez heureuse au monde, et me laissez en paix. \ PAULINE. Oui, je t'y vais laisser ; ne t'en mets plus en peine ; Je vais . . . SCÈNE IV. POLVEUCTE, PAULINE, SÉVÈRE, FABIAN, Gardes. PAULINE. Mais quel dessein en ce lieu vous amène, Sévère ? Aurait-on cru qu'un cœur si généreux ^ Pût venir jusqu'ici braver un malheureux ? * Var. Sévère, est-ce le fait d'un homme gënéretix, De venir jusqu'ici braver un malheureux? (1543-1656.) \ 84 POLYEUCTE. POLYEUCTE. Vous traitez mal, Pauline, un si rare mérite : A ma seule prière il rend cette visite. Je vous ai fait, Seigneur, une incivilité, Que vous pardonnerez à ma captivité. 5 Possesseur d'un trésor dont je n'étais pas digne. Souffrez avant ma mort que je vous le résigne,^ Et laisse la vertu la plus rare à nos yeux Qu'une femme jamais pût recevoir des cieux Aux mains du plus vaillant et du plus honnête homme 10 Qu'ait adoré la terre et qu'ait vu naître Rome. V / Vous êtes digne d'elle, elle est digne de vous ; / \ Ne la refusez pas de la main d'un époux : S'il vous a désunis, sa mort vous va rejoindre. Qu'un feu jadis si beau n'en devienne pas moindre : "5 Rendez-lui votre cœur, et recevez sa foi ; Vivez heureux ensemble, et mourez comme moi ; • C'est le bien qu'à tous deux Polyeucte désire. ; Qu'on me mène à la mort, je n'ai plus rien à dire. Allons, gardes, c'est fait. SCÈNE V. SÉVÈRE, PAULINE, FABIAN. SÉVÈRE. Dans mon étonnement, ao Je suis confus pour lui de son aveuglement ; Sa résolution a si peu de pareilles, Qu'à peine je me fie encore à mes oreilles. Un cœur qui vous chérit (mais quel cœur assez bas * Yar. Souffrez, avant mourir, que je vous le résigne. (1643-1656.) I ACTE IV, SCENE V. 85 Aurait pu vous connaître, et ne vous chérir pas ?), Un homme aimé de vous, sitôt qu*il vous possède, Sans regret il vous quitte ; il fait plus, il vous cède ; Et comme si vos feux étaient un don fatal, 11 en fait un présent lui-même à son rival ! S Certes ou les chrétiens ont d'étranges manies, Ou leurs félicités doivent être infinies. Puisque, pour y prétendre, ils osent rejeter Ce que de tout Tempire il faudrait acheter. Pour moi, si mes destins, un peu plus tôt propices, ' 10 Eussent de votre hymen honoré mes services. Je n'aurais adoré que Téclat de vos yeux. J'en aurais fait mes rois, j'en aurais fait mes Dieux ; On m'aurait mis en poudre, on m'aurait mis en cendre, Avant que ... ^ PAULINE. Brisons là : je crains de trop enteridre, 15 Et que cette chaleur, qui sent vos premiers feux. Ne pousse quelque suite indigne de tous deux. t"Z%^ Sévère, connaissez Pauline tout entière. Mon Polyeucte touche à son heure dernière ; Pour achever de vivre il n'a plus qu'un moment : 20 Vous en êtes la cause encor qu'innocemment. Je ne sais si votre âme, à vos désirs ouverte. Aurait osé former quelque espoir sur sa perte ; Mais sachez qu'il n'est point de si cruels trépas Oîi d'un front assuré je ne porte mes pas, 25 Qu'il n'est point aux enfers d'horreurs que je n'endure, Plutôt que de souiller une gloire si pure, > Que d'épouser un homme, après son triste sort, 1*&*T^ Qui de quelque façon soit cause de sa mort ; /• 86 POLYEUCTE. IS^»» / l>^^ l>* \^ £t si vous me croyiez d'une âme si peu saiâe, ".\ L*amour que j'eus pour vous tournerait toUte en haine. Vous êtes généreux ; soyez-le jusqu'au botit. Mon père est en état de vous accorder tout, 5 II vous craint ; et j'avance encor cette parole, Que s'il perd mon époux, c'est à vous qu'il l'immole p Sauvez ce malheureux, employez-vous pour lui ; Faites-vous un effort pour lui servir d'appui. Je sais que c'est beaucoup que ce que je demande ; lo Mais plus l'effort est grand, plus la gloire en est grande. Conserver un rival dont vous êtes jaloux, C'est un trait de vertu qui n'appartient qu'à vous ; Et si ce n'est assez de votre renommée, C'est beaucoup qu'une femme autrefois tant aimée, 15 Et dont l'amour peut-être encor vous peut toucher, Doive à votre grand cœur ce qu'elle a de plus cher Souvenez-vous enfin que vous êtes Sévère. - Adieu : résolvez seul ce que vous voulez faire ; * ^ Si vous n'êtes pas tel que je l'ose espérer ao Pour vous priser encor je le veux ignorer. SCENE VI. SÉVÈRE, FABIAN. SÉVÈRE. Qu'est-ce-ci, Fabian ? quel nouveau coup de foudre Tombe sur mon bonheur, et le réduit en poudre ? Plus je l'estime près, plus il est éloigné ; Je trouve tout perdu quand je crois tout gagné; ^ Var. ... Ce que vous devez faire. (i66o-i664>) ACTE IV, SCÈNE VI. 8/ Et toujours la fortune, à me nuire obstinée, Tranche mon espérance aussitôt qu'elle est née : Avant qu'offrir des vœux je reçois des refus ; Toujours triste, toujours et honteux et confus De voir que lâchement elle ait osé renaître, S Qu*encor plus lâchement elle ait osé paraître, Et qu'une femme enfin dans la calamité ^ Me fasse des leçons de générosité. Votre belle âme est haute autant que malheureuse, Mais elle est inhumaine autant que généreuse, lo Pauline, et vos douleurs avec trop de rigueur D'un amant tout à vous tyrannisent le cœur. C'est donc peu de vous perdre, il faut que je vous donne, Que je serve un rival lorsqu'il vous abandonne, Et que par un cruel et généreux eifort, 15 Pour vous rendre en ses mains, je l'arrache à la mort. FABIAN. Laissez à son destin cette ingrate famille ; Qu'il accorde, s'il veut, le père avec la fille, Polyeucte et Félix, l'épouse avec l'époux. D'un si cruel effort quel prix espérez-vous ? ao SÉVÈRE. La gloire de montrer à cette âme si belle Que Sévère l'égale, et qu'il est digne d'elle ; Qu'elle m'était bien due, et que l'ordre des cieux En me la refusant m'est trop injurieux, FABIAN. Sans accuser le sort ni le ciel d'injustice, 2$ Prenez garde au péril qui suit un tel service : 1 Vak. . . . Dans rinfëlicité. (1643-1664.) 88 POLYEUCTE. Vous hasardez beaucoup, Seigneur, pensez-y bien. Quoi ?-Te«& .entreprenez de sauver. un-chrétien 1 Pouvez-vous ignorer pour cette secte impie Quelle est et fut toujours la haine de Décie ? 5 C'est un crime vers lui si grand, si capital, Qu'à votre faveur même il peut être fatal. SÉVÈRE. Cet avis serait bon pour quelque âme commune. S'il tient entre ses mains ma vie et ma fortune, Je suis encor Sévère, et tout ce grand pouvoir 10 Ne peut rien sur ma gloire, et rien sur mon devoir. y, Tr Lrhnnnenr m'ybli^n^ rt j'y vp^v y^aflafaîre ; Qu'après le sort se montre ou propice ou contraire, Comme son naturel est toujours inconstant, Périssant glorieux, je périrai content. 15 Je te dirai bien plus, mais avec confidence : La secte des chrétiens n'est pas ce que l'on pense ; On les hait ; la raison, je ne la connais point, Et je ne vois Décie injuste qu'en ce point. Par curiosité j'ai voulu les connaître : 2o On les tient pour sorciers dont l'enfer est le maître, Et sur cette croyance on punit du trépas Des mystères secrets que nous n'entendons pas ; Mais Cérès Eleusine et la Bonne Déesse . Ont leurs secrets, comme eux, à Rome et dans la Grèce ; 25 Encore impunément nous souffrons en tous lieux. Leur Dieu seul excepté, toutes sortes de Dieux : Tous les monstres d'Ei^ypte ont leurs temples dans Rome Nos aïeux à leur^ré faisaient un Dieu d'un homme ; Et leur sang parmi nous conservant leurs erreurs, 30 Nous remplissons le ciel de tous nos empereurs ; ACTE IV, SCÈNE VI. 89 ^ Mais à parler sans fard de tant d'apothéoses, L'effet est bien douteux de ces métamorphoses. Les chrétiens n'ont qu'un Dieu, maître absolu de tout, I De qui le seul vouloir fait tout ce qu'il résout ; i Mais si j'ose entre nous dire ce qui me semble, 5 I th^s nôtres bien souvent s'accordent mal ensemble; L 0iJ^*Tfctme dût leur colère écraser à tes yeux, f Nous en avons beaucoup pour être de vrais Dieux. Enfin chez les chrétiens les mœurs sont innocentes, Les vices détestés, les vertus florissantes ; ic Ils font des vœux pour nous qui les persécutons ; Et depuis tant de temps que nous les tourmentons, Les a-t-on vus mutins ? les a-t-on vus rebelles ? Nos princes ont-ils eu des soldats plus fidèles ? Furieux dans la guerre, ils souffrent nos bourreaux, 15 Et lions au combat, ils meurent en agneaux. _J^i trop dg pitié d'eux-pour nfiJes-pas défendre. Allons trouver Félix ; commençons par son gendre ; Et contentons ainsi, d'une seule action, Et Pauline, et ma gloire, et ma compassion. 20 90 POLYEUCTE. ACTE V. SCENE PREMIERE. FÉLIX, ALBIN, CLÉON. FÉLIX. Albin, as-tu bien vU la fourbe de Sévère ? As-tu bien vu sa haine ? et vois-tu ma misère ? ALBIN. Je n'ai vu rien en lui qu'un rival généreux, Et ne vois rien en vous qu'un père rigoureux. FÉLIX. 5 Que tu discernes mal le cœur d'avec la mine !*^ Dans l'âme il hait Félix et dédaigne Pauline ; Et s'il l'aima jadis, il estime aujourd'hui \il9 I Les restes d'un rival trop indignes de lui. Il parle en sa faveur, il me prie, il menace, 10 Et me perdra, dit-il, si je ne lui fais grâce ; Tranchant du généreux, il croit m'épouvanter : L'artifice est trop lourd pour ne pas l'éventer. Je sais des gens de cour quelle est la politique,* J'en connais mieux que lui la plus fine pratique. 15 C'est en vain qu'il tempête et feint d'être en fureur: ^ Var. Que tu le connais mal ! tout son fait n*est que mine. (1643-1656.) • Var. Je connais avant lui la cour et ses intriques, J'en connais les détours, j*en connais les pratiques. (1643-1656.^ ACTE V, SCÈNE I. 9I Je vois ce qu'il prétend auprès de TEmpereur. De ce qu'il me demande il m'y ferait un crime : Épar^ant sonj-iva^je serais sa victimfr^. ÊTs'il âvâTF affaire à quelque malaïïroit, Le piège est bien tendu, sans doute il le perdrait; 5 Mais un vieux courtisan est un peu moins crédule : ^ Il voit quand on le joue, et quand on dissimule ; Et moi j'en ai tant vu de toutes les façons. Qu'à lui-même au besoin j'en ferais des leçons. ALBIN. Dieux ! que vous vous gênez par cette défiance ! lo FÉLIX. Pour subsister en cour c'est la haute science : Quand un homme une fois a droit de nous haïr, Nous devons présumer qu'il cherche à nous trahir; Toute son amitié nous doit être suspecte. Si Polyeucte enfin n'abandonne sa secte, 15 Quoi que son protecteur ait pour lui dans l'esprit, Je suivrai hautement l'ordre qui m'est prescrit. ALBIN. Grâce, grâce, Seigneur I que Pauline l'obtienne ! FÉLIX. Celle de l'Empereur ne suivrait pas la mienne, Et loin de le tirer de ce pas dangereux * ao Ma bonté ne ferait que nous perdre tous deux. ^ Var. Mais un vieux courtisan n'est pas si fort crédule. (i643-i656b) * Var. ... De ce pas hasardeux. (1643-1663.) 92 POLYEUCTE. ALBIN. Mais Sévère promet . . . FÉLIX. Albin, je m'en défie, Et connais mieux que lui la haine de Décie : En faveur des chrétiens s'il choquait son courroux, Lui-même assurément se perdrait avec nous. 5 Je veux tenter pourtant encore une autre voie : Amenez Pojyeucte ; et si je le renvoie, S'il demeure insensible à ce dernier effort, ^Âu sortir de ce lieu qu*on lui donne la mort. ALBIN. Votre ordre est rigoureux. FÉLIX. Il faut que je le suive, 10 Si je veux empêcher qu'un désordre n'arrive. Je vois le peuple ému pour prendre son parti ; Et toi-même tantôt tu m'en as averti. Dans ce zèle pour lui qu'il fait déjà paraître, Je ne sais si longtemps j'en pourrais être maître ; 15 Peut-être dès demain, dès la nuit, dès ce soir. J'en verrais des effets que je ne veux pas voir ; Et Sévère aussitôt, courant à sa vengeance, M'irait calomnier de quelque intelligence. Il faut rompre ce coup, qui me serait fatal. ALBIN. 20 Que tant de prévoyance est un étrange mal ! ^ Tout vous nuit, tout vous perd, tout vous fait de l'om- brage ; ^ Var. Que votre défiance est un étrange mal ! (1643-1656.) ACTE V, SCENE I. 93 Mais voyez que sa mort mettra ce peuple en rage, Que c'est mal le guérir que le désespérer. IS^^ FÉLIX. En vain après sa mort il voudra murmurer ; Et s'il ose venir à quelque violence, C'est à faire à céder deux jours à Tinsolence : S J'aurai fait mon devoir, quoi qu'il puisse arriver, Mais Polyeucte vient, tâchons à le sauver. /S f Soldats, retirez-vous, et gardez bien la porte. SCENE IL FÉLIX, POLYEUCTE, ALBIN. FÉLIX. As-tu donc pour la vie une haine si forte, Malheureux Polyeucte ? et la loi des chrétiens to T'ordonne-t-elle ainsi d'abandonner les tiens ? POLYEUCTE. Je ne hais point la vie, et j'en aime l'usage, /S'^ Mais sans attachement qui sente l'esclavage, Toujours prêt à la rendre au Dieu dont je la tiens : ^ La raison me l'ordonne, et la loi des chrétiens ; • 15 Et je vous montre à tous p^r là comme il faut vivre, Sij^g us avez le cœur-a&sez bon pour me suivre. - /$Z^ FÉLIX. Te suivre dans l'abîme où tu te veux jeter ? * Var. J'aurai fait mon devoir, quoi qui puisse arriver. (1660-1664.) $z^ 94 POLYEUCTE. POLYEUCTE. Mais plutôt dans la gloire où je m'en vais monter. FÉLIX. Donne-moi pour le moins le temps de la connaître : Pour me faire chrétien, sers-moi de guide à l'être, Et ne dédaigne pas de m'instruire en ta foi, 5 Ou toi-même à ton Dieu tu répondras de moi. POLYEUCTE. P^ N'en riez point, Félix, il sera votre juge ; Vous ne trouverez point devant lui de refuge : les bergers y sont d'un même rang . De tous les siens sur vous il vengera le sang. FÉLIX. lo^Je n'en répandrai plus, et quoi qu'il en arrive, I CJp Dans la foi des chrétiens je souffrirai qu'on vive : . J'en serai protecteur. POLYEUCTE. Non, non, persécutez, Et soyez l'instrument de nos félicités : Celle d'un vrai chrétien n'est que dans les souffrances,* 15 Les plus cruels tourments lui sont des récompenses. ^^'^'^Dieu, qui rend le centuple aux bonnes actions, Pour comble donne encor les persécutions. Mais ces secrets pour vous sont fâcheux à comprendre : Ce n'est qu'à ses élus que Dieu les fait entendre. ^ Var. Aussi bien un chrétien n'est rien sans les souffrances, Les plus cruels tourments nous sont des récompenses. (1643-1656.^ ACTE V, SCÈNE II. 9$ FÉLIX. isJFard, et veux être chrétien. ''^■ POLYEUCTE. ^ Qui peut donc retarder l'effet d'un si grand bien ? FÉLIX. La présence importune ... POLYEUCTE. Et de qui ? de Sévère ^ FÉLIX. Pour lui seul contre toi j'ai feint tant de colère: Dissimule un moment jusques à son départ. POLYEUCTE. Félix, c'est donc ainsi que vous parlez sans fard ? Portez à vos païens, portez à vos idoles Le sucre empoisonné que sèment vos paroles.^ Un chrétien ne craint rien^ ne disî^ jmn^^ '•^^" : Aux yeux de tout le monde il est toujours chrétien » FÉLIX. Ce zèle de ta foi ne sert qu'à te séduire, Si tu cours à la mort plutôt que de m'instruire- POLYEUCTE. Je VOUS en parlerais ici hors de saison : , Elle est un don du ciel, et non de la raison ; Et c'est là que bientôt, voyant Dieu face à face, 15 Plus aisément pour vous j'obtiendrai cette grâce. ^ Var. Le sucre empoisonné que versent vos paroles. (1643-1656.) 96 POLYEUCTE. FÉLIX. Ta perte cependant me va désespérer. POLYEUCTE. Vous avez en vos mains de quoi la réparer : En vous ôtant un gendre, on vous en Sonne un autre, Dont ia conçiition répond mieux à la vôtre ; 5 Ma perte n'est pour v^ous qu'un change avantage^ix. FÉLIX. Cesse de me tenir ce discours outrageux. Je t'ai considéré plus que tu ne mérites; Mais malgré ma bonté, qui croît plus tu Tirrites,^ Cette inseiettce. enfin te rendrait odieux, 10 Et je me vengerais aussi bien que nos Dieux, POLYEUCTE. Quoi ? vous changez bientôt d'humeur et de langagcri Le zèle de vos l5ieux rentre en votre courage ! Celui d'être chrétien s'échappe ! et par hasard Je vous viens d'obliger à me parler sans fard ! FÉLIX. 15 V^, ne présume pas que quoi que je te jure. De tes nouveaux docteurs je suive l'imposture : Je flattais ta manie afin de t'arracher Du honteux précipice oîi tu vas trébucher ; Je voulais gagner temps, pour ménager ta vie ao Après l'éloignement d'un flatteur de Décie ; > Var. Mais malgré ma bonté qui croît 'quand tu l'irrites. (1643-1656.^ ACTE V, SCENE III. 97 Mais j'ai fait trop d'itijure à nos Dieux tout-puissants ; Choisis de leur donner ton sang, ou de Tencens. POLYEUCTE. Mon choix n'est point douteux. Mais j'aperçois Pauline. O ciel ! SCENE III. FÉLIX, POLYEUCTE, PAULINE, ALBIN. PAULINE. Qui de vous deux aujourd'hui m'assassine ? / ji^ Sont-ce tous deux ensemble, ou chacun à son tour ? S Ne pourrai-je fléchir la nature ou l'amour? Et n'obtiendrai-je rien d'un époux ni d'un père ? FÉLIX. Parlez à votre époux. POLYEUCTE. Vivez avec Sévère. PAULINE. Tigre, assassine-moi du moins sans m'outrage POLYEUCTE. r. /CK Mon amour, par pitié, cherche à vous soulager : ^ ^o Il voit quelle douleur dans l'âme vous possède, ' Var. Ma pitié, tant s*en faut, cherche à vous soulager. Notre amour vous emporte à des douleurs si vraies, Que rien qu'un autre amour ne peut guérir ses plaies, (i 643-1656.) 98 POLYEUCTE. Et sait qu'un autre amour en est le seul remède. Puisqu'un si grand mérite a pu vous enflammer, [Çt^ S^ présence toujours a droit de vous charmer : Vous l'aimiez, il vous aime, et sa gloire augmentée • • • PAULINE. 5 Que t'ai-je fait, cruel, pour être ainsi traitée, Et pour me reprocher, au mépris de ma foi, . Un amour si puissant que j'ai vaincu pour toi ? \m5 Vois, pour te faire vaincre un si fort adversaire, Quels efforts à moi-même il a fallu me faire ; 10 Quels combats j'ai donnés pour te donner un cœur Si justement acquis à son premier vainqueur ; Et si l'ingratitude en ton cœur ne domine, tàld B^is quelque effort sur toi pour te rendre à Pauline : Apprends d'elle à forcer ton propre sentiment ; 15 Prends sa vertu pour guide en ton aveuglement; Souffre que de toi-même elle obtienne ta vie. Pour vivre sous tes lois à jamais asservie. \\jA Si tu peux rejeter de si justes désirs. Regarde au moins ses pleurs, écoute ses soupirs ; 20 Ne désespère pas une âme qui t'adore. POLYEUCTE. Je vous Tai déjà dît, et vous le dis encore, V X Vivez avec Sévère, ou mourez avec moi. l^\0 Je ne méprise point vos pleurs ni votre foi ; * Mais de quoi que pour vous notre amour m'entretienne, N« Je ne vous connais plus, si vous n'êtes chrétienne. C'en est assez, Félix, reprenez ce courroux, ^_^ Et sur cet insolent vengez vos Dieux et vous. ACTE V, SCENE III. 99 < PAULINE. Ah! mon père, son crinie à peine est pardonnable; /•■A Mais s'il est insensé, vous êtfes raisonnable. La nature est trop forte, et ses aimables traits Imprimés dans le sang ne s'effacent jamais : Un père est toujours père, et sur cette assurance 5 J'ose appuyer encore un reste d'espérance. . li^lfi Jetez sur votre fille un regard paternel : \ » Ma mort suivra la mort de ce cher criminel ; /^ Et les Dieux trouveront sa peine illégitime, Puisqu'elle confondra l'innocence et le crime, Et qu'elle changera, par ce redoublement, Çn injuste rigueur un juste châtiment ; ^ K '^Nos destins, par vos mains rendus inséparables, 1/ \ "Nous doivent rendre heureux ensemble, ou misérables^ Et vous seriez cruel jusques au dernier poiiit, Si vous désunissiez ce que vous avez joint.' / Un cœur à l'autre uni lamais ne se retire, ^ / Et pour l'en séparer il faut qu'on le déchire. ^ - Mais vous êtes sensible à mes justes douleurs, Et d'un œil paternel vous regardez mes pleurs. 10 FÉLIX. Oui, ma fille, il est vrai qu'un père est toujours père ; ' v^ *^ Rien n'en peut effacer le sacré caractère : Je porte un cœur sensible, et vous l'avez percé ; Je me joins avec vous contre cet insensé. Malheureux Polyeucte, es-tu seul insensible ? è% Et veux-tu rendre seul ton crime irrémissible? if^^fO Peux-tu voir tant de pleurs d'un œil si détaché?* 1 Var . . . D'un coeur si détaché. (1643-1656.) * jéi^ ICX> POLYEUCTE. Peux-tu voir tant d'amour sans en être touché ? Ne reconnais-tu plus ni beau-père, ni femme, Sans amitié pour Tun, et pour l'autre sans flamme? Pour reprendre les noms et de gendre et d'époux, 5 Veux-tu nous voir tous deux embrasser tes genoux? POLYEUCTE. j4^o Que tout cet artifice est de mauvaise grâce ! Après avoir deux fois essayé la menace, Après m'avoir fait voir Néarque dans la mort, Après avoir tenté l'amour et son effort, lo Après m'avoir montré cette soif du baptême, Pour opposer à Dieu l'intérêt de Dieu même, Vous vous joignez ensemble ! Ah ! ruses de l'enfer I Faut-il tant de fois vaincre avant que triompher? |t5 ^*^^ résolutions usent trop de remise : 15 Prenez la vôtre enfin, puisque la mienne est prise. Je n'adore qu'un Dieu, maître de l'univers, Sous qui tremblent le ciel, ia terre, et les enfers, Un Dieu qui, nous aimant d'une amour infinie, Voulut mourir pour nous avec ignominie, 20 Et qui par un effort de cet excès d'amour,^ Veut pour nous en victime être offert chaque jour. \{J^ Mais j'ai tort d'en parler à qui ne peut m'cntendre. Voyez l'aveugle erreur que vous osez défendre : Des crimes les plus noirs vous souillez tous vos Dieux ; ?5 Vous n'en punissez point qui n'ait son maître aux cieux; La prostitution, l'adultère, l'inceste, LidMf Le vol, l'assassinat, et tout ce qu'on déteste, ^' C'est l'exemple qu'à suivre offrent vos immortels. J^ai profané leur temple, et brisé leurs autels ; * Var Et qui par un excès de cette même amour. (1643-1656.) ii,^^ xi,tt I POLYEUCTE. A la gloire. Chère Pauline, adieu : conservez ma mémoire. PAULINE. Je te suivrai partout, et mourrai si tu meurs,* -^ "^ \ j * Var. Je te suivrai partout et mêmes au trépas «s. POLVBUCTK. Sortez de votre erreur ou ne me suivez pas- (i<^43-i6s6.) ^ ACTE V, SCENE III. lOI fe le ferais encor, si j'avais à le faire, Même aux yeux de Félix, même aux yeux de Sévère, Même aux yeux du sénat, aux yeux de T Empereur. FÉrjx. Enfin ma bonté cède à ma juste fureur: Adore-les, ou meurs. POLVEUCrE. I Je suis chrétien. ^ FÉLIX. Impie 1 Adore-les, te dis-je, ou renonce à la vie. POLYEUCTE. Je suis chrétien. FÉLIX. Tu Tes ? O cœur trop obstiné 1 Soldats, exécutez Tordre que j'ai donné. il^i^^ PAULINE. Ob le conduisez-vous ? FÉLIX. A la mort. /iio I02 POLYEUCTE. POLYEUCTE. Ne suivez point mes pas, ou quittez vos erreurs, FÉLIX. Qu'on rôte de mes yeux, et que Ton m'obéisse : Puisqu'il aime à périr, je consens qu'il périsse. ^0'* SCÈNE IV. FÉLIX, ALBIN. FÉLIX. \Vf J Je me fais violence, Albin ; mais je Tai dû : V 5 Ma bonté naturelle aisément m'eût perdu. Que la rage du peuple à présent se déploie, Que Sévère en fureur tonne, éclate, foudroie, M 'étant fait cet effort, j'ai fait ma sûreté. \rt^ .Mais n'es-tu point surpris de cette dureté ? lo Vois-tu, comme le sien, des cœurs impénétrables, Ou des impiétés à ce point exécrables ? j Du moins j'ai satisfait mon esprit affligé : ^ Pour amollir son cœur je n'ai rien négligé ; f 4 T'ai feint même à tes yeux des lâchetés extrêmes ; y* 15 lit certes sans l'horieur de ses derniers blasphèmes, Qui m'ont rempli soudain de colère et d'effroi. J'aurais eu de la peine à triompher de moi. ALBIN. Vous maudirez peut-être un jour cette victoire, ,^%* Qui tient je ne sais quoi d'une action trop noire, ^ Yaiu Du moins j'ai satisfait à mon cœur affligé : Pour amollir le sien je n'ai rien né;{ligé. (i643-i656*) ACTE V, SCÈNE IV. IO3 Indigne de Félix, indigne d'un Romain, Répandant votre sang par votre propre maia. . IfùM FÉLIX. Ainsi Tont autrefois versé Brute et Manlie. Mais leur gloire en a crû, loin d'en être affaiblie ; Et quand nos vieux héros avaient de mauvais sang, $ Ils eussent, pour le perdre, ouvert leur propre flanc.^ |70 1 ALBIN. Votre ardeur vous séduit ; mais quoi qu'elle vous die, Quand vous la sentirez une fois refroidie, Quand vous verrez Pauline, et que son désespoir Par ses pleurs et ses cris saura vous émouvoir. . • • 10 FÉLIX. Tu me fais souvenir qu'elle a suivi ce traître, Et que ce désespoir qu'elle fera paraître De mes commandements pourra troubler l'effet : Va donc ; cours y mettre ordre et voir ce qu'elle fait ; ^ Romps ce que ses douleurs y donneraient d'obstacle ; /7/^ Tire-la, si tu peux, de ce triste spectacle ; Tâche à la consoler. Va donc : qui te retient ? ALBIN. Il n'en est pas besoin. Seigneur, elle revient. ^ Var. Jamais nos vieux héros n*ont eu de mauvais sang, «#>^ Qu'ils n'eussent, pour le perdre, ouvert leur propre flanc. (1643-1660.) * Var. Va donc y donner ordre . . . (1643-1663.) I04 POLYEUCTE. SCÈNE V. FÉLIX, PAULINE, ALBIN. ^' PAULINE. \ Père barbare, achève, achève ton ouvrage ; \T2f*^Cette seconde hostie est digne de ta rage ; Joins ta fille à ton gendre ; ose : que tardes-tu ? Tu vois le même crime, ou la même vertu : 5 Ta barbarie en elle a les mêmes matières. V Mon époux en mourant m'a laissé ses lumières ; \Jir^ Son sang, dont tes bourreaux viennent de me couvrir, M'a dessillé les yeux, et me les vient d'ouvrir. Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée : lo De ce bienheureux sang tu me vois baptisée ; y Je suis chrétieiMiô enfin, n'est-ce point assez dit ? X'Vvfconserve en me perdant ton rang et ton crédit ; Redoute l'Empereur, appréhende Sévère : Si tu ne veux périr, ma perte est nécessair§i^ •^ ^5 Polyeùctê'm^appelle à cêï heureux trépas ; — Je vois Néarque et lui qui m 3 tendent les bras, l'Y^'^Mène, mène-moi voir tes Dieux que je déteste : - Ils n'en ont brisé qu'un, je briserai le reste ; On m'y verra braver tout ce que vous craignez, ^o Ces foudres impuissants qu'en leurs mains vous peignez. Et saintement rebelle aux lois de la naissance, \^OUne fois envers toi manquer d'obéissance. Ce n'est point ma douleur que par là je fais voir ; C'est la grâce qui parle, et non le désespoir. ' 25 Le faut-il dire encor, Félix ? je suis chrétienne I yAffermis par ma mort ta fortune ej ^^i^ftLe coup à l'un et l'autre en sera précieux, Puisqu'il t^2LSSui=e-«Ti' terre en nî'élevajit aux cîeux. *,' ACTE V, SCÈNE VI. 10$ SCÈNE VI. FÉLIX, SÉVÈRE, PAULINE, ALBIN, FABIAN; SÉVÈRE. Père dénaturé, malheureux politique, Esclave ambitieux d'une peur chimérique, Polyeucte est donc mort ! et par vos cruautés Vous pensez conserver vos tristes dignités ! La faveur que pourluî je" vous avais offerte, Au lieu de le sauver, précipite sa perte ! J'ai prié, menacé, mais sans vous émouvoir; Et vous m'avez cru fourbe ou de peu de pouvoir! Eh bien ! à vos dépens vous verrez que Sévère Ne se vante jamais que de ce qu'il peut faire ; it Et par votre ruine il vous fera juger Que qui peut bien vous perdre eût pu vous protéger. Continuez aux Dieux ce service fidèle ; Par de telles horreurs montrez-leur votre zèle. Adieu ; mais quand l'orage éclatera sur vous, 15 Ne doutez point du bras dont partiront les coups. FÉLIX. Arrêtez-vous, Seigneur, et d'une âme apaisée Souffrez que je vous livre une vengeance aisée. Ne me reprochez plus que par mes cruautés Je tâche à conserver mes tristes dignités : m Je dépose à vos pieds l'éclat de leur faux lustre. Celle où j'ose aspirer est d'un rang plus illustre ; Je m'y trouve forcé par un secret appas ; Je cède à des transports que je ne connais pas; ^ 4* f06 POLVEUCTE. Et par un mouvement que je ne puis entendre, De ma fureur je passe au zèle de mon gendre. C^est lui, n'en doutez point, dont le sang innocent Pour son persécuteur prie un Dieu tout-puissant; 5 Son amour épandu sur toute la famille ^'ire après lui le père aussi bien que la fille. y> en ai fait un martyr, sa mort me fait chrétig « : f ^'J'ai fait tout son bonheur, il veut faire le mien. C'est ainsi qu'un chrétien se venge et se courrouce, lo Heureuse cruauté dont la suite est si douce ! Donne la main, Pauline. Apportez des liens ; Immolez à vos Dieux ces deux nouveaux chrétiens: Je le suis, elle l'est, suivez votre colère. PAULINE. I Qu'heureusement enfin je retrouve mon père ! 5 Cet heureux changement rend mon bonheur parfait FÉLIX. Ma fille, il n'appartient qu'à la main qui le fait. SÉVÈRE. Qui ne serait touché d'un si tendre spectacle? De pareils changements ne vont point sans miracle. Sans doute vos chrétiens, qu'on persécute en vain, «o Ont quelque chose en eux qui surpasse l'humain ; Ils mènent une vie avec tant d'innocence Que le ciel leur en doit quelque reconnaissance : Se relever plus forts, pins ils sont abattus, N'est pas aussi l'effet des communes vertus. 25 Je les aimai toujours, quoi qu'on m'en ait pu dire; Je n'en vois point mourir que mon cœur n'en soupire, ACTE V, SCfeNE VI. IO7 Et peut-être qu'un jour je les connaîtrai mieux. y / J'approuve cependant que chacun ait ses Dieux, ^ y/ Qu'il les serve à sa mode, et sans peur de la peine^V Si vous êtes rTirpf^MTT Tîr rrnif^nf*? plii'ijT in haine ; Je les aime, Félix, et de leur protecteur Je n'en veux pas sur vous faige un persécuteur.^ Gardez votre pouvoir, reprenez-en la marque ; Servez bien votre Dieu, servez notre monarque. Je perdrai mon crédit envers Sa Majesté, Ou vous verrez finir cette sévérité : * / '• Par cette injuste haine il se fait trop d'outrage. FÉLIX. Daigne le ciel en vous achever son ouvrage. Et pour vous rendre un Jour ce que vous méritez, Vous inspirer bientôt toutes ses vérités ! Nous autres, bénissons notre heureuse aventure : t] Allons à nos martyrs donner la sépulture, Baiser leurs corps sacrés, les mettre en digne lieu, Kt faire retentir partout le nom de Dieu. > Var. Je n'en veux pas en vous faire an persécuteur. (1644-1663.) S Var. Ou bien il quittera cette sévérité. (1643-1656.) .■». NOTES. Page 1. 3 The word chrétienne was not found in the two quarto éditions (1643 and 164^)* Page 14. I Félix, Sévère, Pauline, Albin, Fabian, are Roman names ; Polyeucte, Néarque, Stratonice, and Cléon are Greek names. Polyeucte signifies very much desiredy or very désirable. ( P. de Julie- ville.) 2 Decius, a Roman emperor, who reigned from 249 to 251 A.D. He succeeded Philip, and distinguished himself in his wars against the Persians. He perished with ail his army in an expédition against the Goths, having (says Lemprière) pushed his horse in a deep marsh, from which he could not extricate himself. 3 Mélitène, in Armenia Minor, between the Euphrates ànd the Anti-Taurus Mountains. 4 In his Examen of Polyeucte^ Corneille says that the action takes place in a hall or ante-chamber, common to the apartments of Félix and his daughter. This was in order to observe the rule of the unity of place. ACT I. Scène i. — Page 15. 3 dans la guerre éprouvé, tried in war. Par la guerre éprouvé, would mean, having suffered through war, 5 un songe. Although Polyeucte does not seem to attach a great importance to Pauline*s dream, yet dreams are fréquent in classic French tragedy. It was no doubt due to the influence of the Greek and Latin works, in which we see so often the gods communicate in dreams with mortals. Page 16. I songée. The verb as transitive is rare» It means then, says Littré, voir en songe. III N V 1 1 2 NOTES. 3 tâche à m'empêcher, sirives to prevent me. Tâcher, in seven- teenth century, was generally construed with à ; now de is preferred. 10 Par un peu de remise, by a Utile delay. son ennui, her anx- iety. The ordinary meaning of ennui would net be sufïiciently strong to express Pauline's feelings. 1 1 ce qu'il trouble aujourd'hui. What it {son ennui) interrupts to-day. 17 efficace, as a noun, for efficacité^ which was not admîtted by the grammarians of the seventeenth century. 18 nos longueurs, our delays. Page 17. I en devient plus avare, becomes more sparing of it. 9 l'effet se recule, the effect is delayed. II chrétien. Note in the whole scène the zeal of the néophyte, tempered by his tender love for his wife. \Ve see tjigt nothing can deter him from embracing Christianity, but he wishes, as far as possi- ble, to hâve some regard for Pauline's feelings.. — 14 dessillant nos yeux, opening our eyes. Dessiller^ written more correctly, formerl^i diciller, says Brachet ; in order to tame the hawk, his eyelids or lus eyelashes [cils) were sewed {ciller). To eut the thread which closed the eyes was déciller. 23 il ne les peut rompre. The object pronoun before first verb^ the usual position in seventeenth century. 25 par quelque autre. Obstacle understood. Page 18. I le coup d'essai, tke trial blow. This expression recalls immediately to our mind the celebrated answer of Rodrigue to the Count {Le Cidy IL, 2.) : " Mes pareils à deux fois ne se font point connaître, £t pour leurs coups d'essai veulent des coups de maître." 10 Pour se donner à lui, faut-il n'aimer personne ? Because one gives one^s selfto hint^ must one love nobody ? 11 il le souffre, il l'ordonne. Le representing a clause, a real neuter. 23 un chrétien est en butte, a Christian is exposed. Page 19. 3 un bel œil est bien fort. Voltaire criticises very sharply un bel œil^ and says : *' It is always ridiculous, and much more so in a husband than in a lover." We should bear in mind. NOTES. 113 however, that Corneille was writing in 1640, when false galanterie was most fashionable. Although Corneille was far superior to his contemporaries in his language, we see nevertheless in his writings some expressions vvhich the perfect taste of his younger rival, Racine, always avoided. 6 appas, charms^ We now hâve appât^ " bait," and appas^ " charms." The distinction between the two is based on nothing, says M. de Julkville. Both words are derived from ad-pastum ('* bait to catch the fish "). 15 Et l'heur, and the happiness. From Latin augurium^ very com- nion in Corneille. It fell into disuse in Labruyère's time. We now use it only in compounds, bonheur^ malheur. Page 20. 4 qui sait votre défaut, who knows your weak point. Défaut is taken in the physical sensé, not in the moral. « Scène 2. — 10 Y va-t-il de Thonneur ? Is your honor at stake ? Page 21. 5 Mais mon déplaisir, but my grief. Déplaisir^ in seventeenth century, was synonymous with douleur, 9 Un songe vous fait peur. This recaîls Athalie's words (Act IL, Scène 5) : " Un songe (me devrais-je inquiéter d'un songe !) Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge." 13 prêt à, from prcestus^ ready to : près dey from pressus^ " on the point of." In seventeenth century no distinction was made between the two expressions. Scène 3. — Page 22. 1 1 Mais après Thyménée ils sont rois à leur tour. This verse, says Voltaire, has become a proverb. 13 S*il ne vous traite ici d'entière confidence. If he does not treat you with entire confidence. Traiter de, instead of traiter avec^ is common in Corneille. 17 Assurez-vous sur lui, rely upon him. Page 24. 2 le courage, the hearty the mindy meaning of Latin animus. Courage and cœur were often taken as synonymous in seven- teenth century. We ail remember Don Diègue's question to his son [Le Cidy Act L, Scène 5), " Rodrigue, as-tu du cœur?" 14 plus honnête homme, a more gallant man. In the seventeenth century, honnête homme^ says M. Rondelet, had a délicate and corn- 1 14 NOTES. pieté meaning which we do not know any longer. It was the equiva^ lent of the vir probus of the Romans, and of the gentleman of the English. ' Page 25. i8 qu'il me prît pour maîtresse. Thai he should ^all in love with me, 24 ** Je donnai par devoir à son affection Tout ce que l'autre avait par inclination." Thèse two verses are highly praised by Voltaire. They give us, indeed, our first impression of the character of Pauline, who become^ attached to Polyeucte through duty^ but who wiîl rema in faithful to, that affection, in spite of her former l ove for Sévère. , Page 26. 23 a brouillé ces images, has mixed ihose images. 27 yoilà quel est mon songe. Voltaire says that VHÔtel de Rambouillet blamed very much Pauline's dream, saying that, instead of leading her to Christianity, it made her an enemy of the Christians. The dream, however, is necessary to the play, and is certainîy weîl told. Page 27. 10 les charmes, the incantations. Used in the sensé of the Latin carmina, magie formulas. The two meanings in French of the Word charmes are well expressed in Corneille's Médée (quoted by M. Rondelet) : *^Je n'ai que des attraits, et vous avez des charmes" " I hâve only charms, and you hâve enchantments." 15 Mais sa fureur ne va qu'à briser, but ils fury only aspires to break, 16 Elle n'en veut qu'aux Dieux, it only attacks the gods. Scène 4. — Page 28. 9 mal propice, hostile. Page 29. i II vient ici lui-même. He himself is coming» Notice the force of the lui-même, and the effect which it produces on Pauline, in her answer, c'en est trop, 3 dans la proche campagne, near hère, in the country, 4 Un gros de courtisans, a crowd 0/ courtiers, 8 sa perte, his loss (of Sévère). 9 par sa main, Sévère's hand. 10 son parti, the emperor's party. 11 sa vertu, Sévère's valor. Vertu, in the meaning of Latin virtu» tem, The person referred to by the possessive adjectives, with thç mords perte, main, parti, vertu, is not clearly expressed. NOTES. 115 Page 30. 6 II en fit prendre soin, he had him atUnded te; en for de lui. 10 Après avoir comblé ses refus de louange, after having praised his refusais most higkly. 18 croître sa gloire. Vaugelas, in 1647, states that this verb is intransitive. Ail commentators of Corneille, however, mention that after Corneille, Racine used croître as transitive. ^^ Page 31. 5 Tordre d'un sacrifice, the préparation for the scxri- fi.ce, 16 Ton courage, yourfeelings (see note p. 24, 1. 2). y Page 32. 5 Ménage en ma faveur, use in my favor. The \ _ CO¥/ardice of Fëlix._hjs_contem ptible cha racter. s hows itse l f here .- Page 33. 2 le succès, the resuit, Common meaning of the Word in the seventeenth century. 9 tes forces étonnées, your stupefied sensés. Give the f uU force of étonnées, from attonitus. 12 Pour servir de victime à vos commandements. In the ^ fîrst act, the characters of Polyeucte, Félix and Pauline are already ;i'n.^_^ well drawn. There now remain to be seen the noble character of . Sévère, and the simple and heroic grandeur of Polyeucte, who has^ become a Christian. ACT II Scène i. — Page 34. i Cependant que, while. This expres- sion was synonymous -^'xi^i pendant que, Vaugelas condemned it. It b now used only in poetry, and is even then rare. Page 35. 6 le sien, her heart, 7 et ne prétendrais rien, and would claitn nothing. Prétendre^ now. generally neuter and f ollowed by à, was transitive in the seven- teenth century. 15 y tiendront votre amour à bonheur, will consider your levé a happiness, 16 pensers, an infinitive used as a noun, synonymous ytiih pensées. non âme se ravale, my soûl should lower itself l9 Çlle en a mieux usé^ she has acted botter- Il6 NOTES. Page 36. 15 Je ne suis plus à moi, l'am beside myself. Page 37. 6 Faibles soulagements d'un malheur sans remède. Fteble consolation for a misfortune without remedy. Compare, say ail commentators : ** Solatia luctus Exigua ingentis." (y^tteidy xi. 62.) Page 38. 3 Je ne veux que la voir, soupirer et mourir. This Vy^ yearning after death of the lovers in Corneille sometimes strikes students as ludicrous. It was, however, the language of the epoch, when al] knew by heart in 1654 la Carte de Tendre^ and when the Duke of Montausier courted Mademoiselle de Rambouillet for twelve years before obtaining her hand. The beauties in Polyeucte^ the interest of the play, make us excuse, with Voltaire, some inconsistencies, as» in Le Cid^ we easily pardon Rodrigue for offering so often his head to Chimène. 4 Vous vous échapperez, you will not be able to control yourself, 1 1 accuser qui, accuse her who. 13 mon malheur, et son père. Subjects by ellîpsis of m^a trahi 17 l'un par l'autre. An obscure expression. Z'«// probably refers to Félix, the father ; Vautre \.q fortune^ or, according to Voltaire, to Pauline. 19 This verse is almost the same as verse 3 above. This lyrical refrain reminds us of Rodrigue's soliloquy (Act I., Scène 7). Page 39. i mouvements, émotions. Scène 2. — Page 40. 8 un peu de soupirs, a few sighs, " One cannot say correctly un peu de soupirs^ as one says un peu cTectu " (Voltaire). 24 O trop aimable objet. O being too amiable. In the seventeenth century objet often refers to the person loved. Page 41. 9 Un je ne sais quel charme, a charm which I cannot express, 17 qui le vainquit, which vanquished it (the merit). The le is hère a little ambiguous. Voltaire says that it refers to espoir in the pre- ceding verse. The sentence, however, is much clearer by referring le to mérite in verse 10. 18 dessous les lois. In the seventeenth century dessous was used both as préposition and as adverb. NOTES. 117 Page 42. 10 avecque mon amour. Both avec and avecque were used in prose and in verse in the seventeenth century. Avecque is now used only in poetry, for the sake of the verse. 22 Qui ne font qu'irriter, wkich only irritate. Page 43. 5 Ma gloire, tny réputation^ my konor. Net taken in ordinary sensé oiglory. 12 par une mort pompeuse, by aglorious death, 15 J'ai de la vie assez, I hâve enaugh life, 17 même en votre sacrifice, even atyour sctcrifice. Page 44. 5 Puisse trouver Sévère, loi puisse Sévèp^éroîwery may Sévère find. j,, ^^ -^^'^^ 10 Adieu, trop malheureux et trop piEHait amant. In thi& conversation between Sévère and Pauline, their regrets are as beauti- ful as those of Chimène and Rodrigue (Act III., Scène 4), beginning with: Don Rodrigue. — O miracle d'amour I Chimène. — O comble de misères 1 Scène 3. — Page 45. 2 Au fort de ma douleur, in the height of 3 Souffre un peu de relâche, allow a little rest. 9 Malgré sa retenue, in spite ofhis modercUion, Scène 4. — Page 46. 3 vos TyxtMn^ your gods. Polye ucte hère \ déclares that he is now a Christian, and that Pauline's gods are no ^-^ longer his. ~~ 16 Mais j'ai gagné sur \\x\f but I hâve obtaimd the promise from him. Page 47. i Je ferais à tous trois un trop sensible outrage. | The whol e answer of Pauline is admirable. It shows her good I AA-* sensé, her modesty, her confidence both in Polyeucte and in Sévère, i \^ and her virtue, in spîte of Voltaire's unjust criticism. —4 Scène 6. — Page 49. 4 ou les y terrasser, or avercome them there. This zeal of Polyeucte was considered excessive by / ^ Hôtel de Rambouillet^ and was very much blamed. They should hâve remembered that the destruction of statues of the pagan gods by the martyrs really happened. Besides, Polyeucte is anxious to be a martyr, for, says he, page 50, line 8, — " " liut already, in heaven, the crown is prepared." 1 1 8 NOTES. Page 50. 3 que l'on s'y précipite, thai one should rush io it (death). Page 51. I en vivant, if I live. Incorrect French at présent» but adinitted in the seventeenth century. 2 mettre au hasard, leave io chance, mettre for remettre, 7 ménagez votre vie, spare your life, 13 assurément, with assurance. This meaning of assurément is now lest. Page 52. 8 and 9 are a répétition of verses 16 and 17, page 18. 13 grand' peine. Written \\ke^and^mèref^and^messe,eic.fyf\th an apostrophe for grande^ which form of the féminine was not correct, p^and from grandis having originally the same form for the masculine and the féminine. Page 52. 19. exténuée, weakened, The ordinary meaning is overwhelmed with fatigue. 20 aux grands effets, in serious matters. 22 défenses, excuses. Page 53. 3 à me fortifier ; à instead of pour^ common in the seventeenth century. 4 and 5 are a répétition of 5 and 6, page 49. 6 Puissé-je vous donner, may I give you, Puissé-je recalls imme- diately the celebrated imprécations of Camille, which end thus (Horace, Act IV., Scène 5): " Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre, Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre. Voir le dernier Romain à son dernier soupir. Moi seule en être cause, et mourir de plaisir! " 13 Dont arme un bois pourri ce peuple trop crédule. With which this too credulous people arms a pièce of decayed wood. Y 17 Faisons triompher Dieu. The end of the second act leaves us prepared for the catastrophe. The éloquence with whichPolyeucte brings Néarque to share his opinion, his sincère piety, will notp ermit us to suspect one moment that any influence, even his love for . Paulîne, will make him abandon his faith. NOTES. 119 ACT III. Scène i. — This monologue of Pauline is expressed in beautiful and poet'.cal language. Voltaire criticises it as being very cold, but it was well receivcd by the audiences of the seventeenth century, who liked pyschological monologues. Corneille seems to hâve been singularly fortunate in this respect in Le Cidy Horace^ and Cinna. Page 54. 4 Que ton divin rayon tarde à les éclairer! how slow is your divine beam in shedding light upon them ! 13 Sévère incessamment brouille ma fantaisie. Sévère inces- *antly disturbs my imagination. I s d'un oeil bien ég^l, with a very indiffèrent eye, a- Page 55. 2 L'un voit aux mains d'autrui, tàe one (Sévère) sees in the hands ofanother (Polyeucte). 19 las! ior Hélas ! The interjection originally was Hé! and las^ an adjective from lassus, was variable and not joined to the interjec- tion. A woman would say, Hé ! lasse. Scène 2. — Page 56. S ennuis, see line 10, page 16. Page 57. 1 5 tu parles à moi. An emphatic use of the personal pronoun. You speak to me, his wi/e. This admirable answer of Pauline corrects the painful impression produced by the imi)recations of Stratonice against the Christians. Page 58, 5 ébahie, astonisked. The use of ébahir was rare in the seventeenth and eighteenth centuries, and Voltaire condemns it as oeing only fît for the low comic. 8 serais-je dispensée, should I be authortzed. Dispenser now means to exempt. 12 ressentiment, for sentiment, 14 Malgré qui, in spite ofwhich, for malgré laquelle. 18 Néarque en est donc. Néarque is then implicated in it (the plot). • Page 59. i en dépit de lui-même, in spite 0/ himsel/ iVo]yeuct€). 7 avant qu'abandonner. We now say avant de. In the seven- teenth century avant que de was recommended by Vaugelas, and avani I20 NOTES. ^ue was aiso used. In Old French and in Mlddle French (sîxteenth century), the form was avant abandonner, 19 Et devers Torient assuré son aspect, and fixed his looks towards the east. Devers for vers^ both used in the seventeenth century, although Vaugelas prefers vers, 22 A Tenvi l'un et l'autre étalait sa manie, they vicd with one another in manifesting their madness. Manie is no longer used in this meaning, which is to be found both in Corneille and in Racine. Page 60. 3 S'emportant à, written at first by Corneille s^ empor- tants. The présent participle in the seventeenth century agreed in number ; the only invariable form in ant was the gerund, en s* empor- tant. It was in 1678 that the Academy declared that the présent participle was to remain invariable. 8 mêmes, with or without s in the seventeenth century. This s is called the adverbial. 9 Oyez. Imperative of otur^ from audire, The expression is still used by the sheriff, in this country and in England, at opening and closing of court. 17 mettre à bas, iower it. Written at first mettre bas. The cor- rection was guod ; mettre bas is a much more familiar expression. Page 61. 2 Félix . . . Voltaire says : " There is hère a great interest." Indeed, the narrative of Stratonice is animated, and we \may say, full of action. We are now prepared for what is to follow. Polyeucte's fate dépends upon Félix alone, and we already know the misérable and cowardly character of the governor. "' Scène 3. — Page 62, 2 Du conseil, of the décision. Conseil taken in its Latin meaning of consilium. 12 courage. Hère again in the sensé df sentimçnt».pf feeling of ^ the soul. Félix thinks that the fear of punishment wjlî^cHângfr ' Polyeucte's sentiments, but Pauline knows her husband too well to share her father's opinion. '""*■ ~ 18 à consentir, in consenting ; for en consentant. A fréquent use of à in the seventeenth century. Page 63. 2 Et mettant différence. And making a différence. Voltaire blâmes the use of the noun without the article. Such a con- struction, however, gives rapidity and force to the expression, and is often to be found in Corneille. NOTES. 121 3 J*ai trahi la justice à, / hâve scurificed justice to. Trahir^ in meaning of Latin tradere, i6 Qu'il fasse autant pour soi comme je fais pour lui. Lei htm do as ?nuch for himself as I do for him. The language of this verse, which was perfectly correct in Corneille's time, and which is very clear to us, would now be incorrect. We say faire autant que^ and not autant comtfie^ and we use soi only when the subject is indefi* nite. M. Genin says that the great writers of the seventeenth century always used soi when the Latin required se. Page 64. 2 Qui chérit son erreur ne la veut pas connaître. An admirable verse in its conciseness and strength, and which re- rainds us of Rodrigue's reply to the Count (Act IL, Scène 2). Qui m*ose ôter l'honneur craint de m'ôter la vie. 5 qu'il leur en fasse, let him pray to them. Page 6$. 5 mon songe affreux. Paulint refers again to her dream, and sees how well founded had been her alarms. 16 plus de dureté, more ^rmhess'lthsin ybu'think). Page 66. 5 Et vous portait au temple, and carried to the tem- ple. Vous is an exaniple of the ** ethical dative," of the person inter- ested or referred to, — often, in English, left untranslated. 14 martyre, martyrdom. Corneille expresses most vividly the feelings of the first martyrs; his language is really worthy of the grandeur of the subject. The dialogue in this scène is highly praised by Voltaire, .and excites the admiration of ail. Page 67. 6 Si vous l'avez prisé, ifyou hâve esteemed him. ^ 8 Je l'ai de votre main. This answer of Pauline is beautiful, and deserves to be noticed. It is a gentle reproof to her father, for it was he who gave her in marriage to Polyeucte, although he knew her f love for Sévère. Now, however, that she is Polyeucte's wife, she '. will remain faithful to him, in spite of what she still considers his >^ errors. 9 II est de votre choix la glorieuse estime. This verse is very obscure ; // may refer to amour or to Polyeucte, and Voltaire cowsidGrs la glorieuse estime de votre choix a barbarism. The idea is this : He was your rhoice for my husband on account of your glorious esteera for him. 122 NOTES. 21 qu'au prix que j'en veux prendre, only as far as Iwish tobe iouched ; i.e., only on my own terms. Page 68. 2 m'en toucher ; en refers to pitié^ as in the following line : j'en veux être le maître. 4 je la désavoue ; la refers also to pitié, 10 je veux l'entretenir, Iwish to speak to him (Albin). Scène 5. — 15 comme, for comment ; fréquent in Corneille, Racine, and Molière. Page 69. 6 On l'a violenté pour quitter l'échafaud, they useà violence to take him awayfrom the scaffold. 11 De pensers sur pensers mon âme est agitée (see line 16, p. 35). M. Génin quotes an interesting line from Pascal, as an example of infinitives used as nouns : — "Tous les marchers, toussers, mouchers, éternuers sont différents." 16 pitoyables, mfrci/uL At présent, pitoyable raeans wretched, misérable. The original meaning of the word is to be found in impitoyable, merciless. Page 70. I ensemble, at the same time, 8 à punir. As already explained, we should say v\ovt pour punir. 1 5 qu'il en ordonne, that he may décide. Page 71. I remis, calm, peaceful. 9 avortés, thwarted. 18 par force, in spite of itself. Page 72. 8 Je tiens, / consider, assez mal assurée, çuitt unsafe. II pour nous en assurer. En refers to Polyeucte. ^■^15 Nous en disposerons sans qu'elle en sache rien. The 'character of Félix appears to us hère more despicabie than ever: In spite of his pretended love for Polyeucte, we see too we ll tha t his ambition, his avarice, would prefer to see Pauline the wife o f Sé vère, the Emperor's favorite. The very baseness of Félix, however, shows to advantage the nobility of soûl, both of Polyeucte and of Sdvère. We are now prepared for the contest between Polyeucte and Pauline, who tries to persuade her husband to abandon Christianity through love for her. NOTES. t23 ACT IV. Scène i. — Page 73. 1 1 pour vaincre un si fort ennemi. Wc see how great is Polyeucte's love for Pauline, since to resist her enlreaties, he calls to his aid both hif> Lord and the spirit of his martyred friend. Scène 2. — Page 74. 1 1 Source délicieuse, en misères féconde. Ail commentators compare this Hne with Lucretius (iv. 1129): ..." Medio de fonte leporum Surgit amarî aliquid, quod in ipsis floribus angat." The lyric tone of this whole scène is very appropriate in a newly converted Christian who aspires to martyrdom. We ail remeraber Rodrigue's words, after he has learned that the father of Chimène has inflicted a mortal insuit upon his father ; he gives vent to his despair in beautiful lyric poetry (Le Cidj 1. 6). "The Greeks," says Voltaire, ** had in their tragédies stanzas of about the same kind. It is in anapests that Prometheus bewails his lot in iEschylus, Antigone in Sophocles," * Page 75. 5 Elle en a la fragilité. It is observed by Voltaire, that already in 1628 Bishop Godeau, in an ode to Louis XIIL, had said: " Mais leur gloire tombe par terre, Et comme elle a l'éclat du verre. Elle en a la fragilité." We do not believe Corneille to hâve been conscious of this appar- ent plagiarism, but we share Voltaire's opinion, who says, *' It would hâve been better had he not used thèse verses ; he was rich enough with his own." M. Marty-Laveaux, in his turn, quotes from Publius Syrius a verse which Godeau himself may hâve imitated; " Fortuna vitrea est; tum quum splendct, frangitur." 20 Encore un peu plus outre, yei a Itttle longer ; an unusual oieaning of ouire. Page 76. 8 adorables idées, adorable images, 23 coutumières, usual. This word was rare in Corneîlle*s time. Littré says of it, howevcr : *' It is again in favor, and is very good to-day." 124 NOTES. Scène 3 — Page 77. 4 à mon secours ... à ma défaite, à for pour (see line 8, p. 70). 10 Ne veuillez pas vous perdre, do not seek (self) destruction. 1 1 votre crime passe, your crime may gOy may reach. 17 Je ne vous compte à rien. I count for nothing (see line 5, p 66). 20 voyez notre espérance, consider what we are to expect (from se many advantages). Page 78. 6 Aujourd'hui dans le trône, et demain dans la boue. A beautiful example of antithesis. Dans le trône^ taken In the literal meaning, in the throne. 14 tantôt, soon^ for bientôt, 16 Et ne peut m'assurer de celui qui le suit. This idea of the uncertainty of the future has often been expressed by the poets, but nowhere with such force as by Victor Hugo {Chants du Crépuscule^ "Napoléon II."): — ** Oh ! demain, c'est la grande chose ! De quoi demain sera-t-il fait.^ L'homme aujourd'hui sème la cause, Demain Dieu fait mûrir l'effet." Page 79. 6 Tout beau, gently, This expression has been criti- cised as not being sufficiently noble. It was used, however, in most sublime style by ail the authors of the seventeenth century. Page 80. 19 Tu ne la caches pas, tu veux que je la voie. The la refers to avec joie, We could not use now an infîected pro- noun to represent a noun not taken in a definite sensé. Page 81. 13 Seigneur, de vos bontés il faut que je l'obtienne. In his commentary, Voltaire makes hère a remark which shows what little attention was paid to the historical accuracy of the costumes in the seventeenth century and even in the eighteenth : " I remember that formerly the actor who played the part of Polyeucte, with whitc gloves and a large hat, took ofî his gloves and his hat to pray to God.' Page 82. 9 me séduire, to lead me astray, II Imaginations, idle fancies. » NOTES. !^s Page 83. 7 Je vais. . . . This dialogue between Pauline aiid Polyeucte is really grand. Polyeucte is sublime in defining his God, and explaining his faith; and Pauline is tender and touching in her pleading with her husband in his behalf. The latter seems to be inspired, and prophesies Pauline's conversion. Scène 4. — Page 84. 6 Souffrez avant ma mort que je vous le résigne. Permit me to deliver it to you before my death. Thèse , words of Polyeucte shock a little ail who read this beautiful tragedy ' and we cannot help finding, with Voltaire, that it was " a strange idea ' X. on Polyeucte*s part to beg Sévère to corne, in order to yield his wife \ *" • to him." We knovv that Polyeucte*s résignation is complète, but the \ idea of bequeathing his wife,^so to say, to a former lover, is not V natural. Yet this brings out Sévère's noble character, and makes J \^ Pauline*s efïorts to save her husfmnd so much more praiseworthy, \if we consider Polyeucte's renunciation of her. Scène 5. — Page 85, 6 d'étranges manies, strange follie s (fancies). 13 j'en aurais fait mes Dieux, I should hâve made t/icm my ^ods. Ail this verse and the next seem to us affected and exaggerated, and tend to mar, to a certain extent, the beauty of Sévère's words. Let us, however, remember again that Corneille was influenced hère by the languagc of the Précieuses. 16 Et que cette chaleur, qui sent vos premiers feux, aud that (his warmth which recalls your first love. This line literally translated would seem ridiculous. In the language of poetry and in the style of tragedy it is appropriate. 17 ne pousse quelque suite, should bring on conséquences. 19 Mon Polyeucte, my Polyeucte, A beautiful use of the posses- sive adjective. 21 encore qu'innocemment, although innocently. Page 86 2 tournerait toute en haine, for se tournerait ; would ail turn to hatred. 10 Mais plus l'effort est grand, plus la gloire en est grande. Compare this verse with Le Cid^ Act II., Scène 2: " A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire." 13 Et si ce n'est assez de votre renommée. And if your 1 26 NOTES. renown is not sufficient. Compare with Camille*s imprécations, Horace^ Act IV., Scène 5 : ** Et si ce n'est assez de toute Tltalie Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie.** 15 toucher, and 16 cher. Thèse rhymes appear to be only for the eye. They were, however, says M. de Julleville, " those rhymes whlch were called Norman^ because in Normandy, final r was always mute ; cher was pronounced ché^ and even mer was pronounced »«/." Scène 6. — 21 Qu*est-ce-ci. The correct spelling, as given in the best texts, and not qu'est-ceci. Page 87. 5 elle ait osé renaîtrç. elle in this verse and in the next refers to espérance in verse 2. 24 injurieux, unjust. Page 88. 1 5 avec confidence, for en confidence^ in confidence. 23 Cérès Eleusine et la Bonne Déesse. Ceres, the Greek Demeter, the Egyptian Isis, adored at Eleusis, near Athens. La Bonne Déesse {Bona Dea)y Cybele, daughter of Cœlus and Terra, and wife of Saturn. It is supposed that the mysteries of Cybele were first known about 1 580 years B.c. Page 89. i sans fard, ^/^c*;//;/ Iwithout deceit). 8 pour être de vrais Dieux. The modem construction would be : pour qu'ils soient de vrais Dieux. After this verse were the four following, which Corneille suppressed in 1660: "Peut-être qu'après tout ces croyances publiques ^ Ne sont qu'inventions de sages politiques, Pour contenir un peuple ou bien pour l'émouvoir, Et dessus sa faiblesse affermir leur pouvoir." Corneille, it is said, regretted having written thèse verses, as they might hâve been misconstrued. 10 Four verses after this one were also suppressed in i66a ** Jamais un adultère, un traître, un assassin, Jamais d'ivrognerie, et jamais de larcin ; Ce n'est qu'amour entre eux, que charité sincère, Chacun y chérit l'autrç et le secourt en frère.** NOTES. 127 Voltaire says that thèse verses were considérée! too simple. Were they not suppressed because Corneille found the contrast too great between the early Christians and those of his time? 1 1 Ils font des voeux pour nous qui les persécutons. The following remarks by Voltaire are very interesting : " Observe hère that Racine, in ' £sther ' (Act III., Scène 4), expresses the same idea m five verses : * Tandis que votre main sur eux appesantie A leurs persécuteurs les livrait sans secours, Ils conjuraient ce Dieu de veiller sur vos jours De rompre des méchants les trames criminelles. De mettre votre trône à Tombre de ses allés.* Sévère, who speaks as a statesman, says only one word. and that Word is full of energy. Esther, who wishes to touch Assuériis, èxtends the idea further. jSévère makes only a reflection ; Esther makes a prayer ; thus, the one must be concise, and the other roust use an éloquence which may touch the heart." ACT V. Scène t. — Page 90. 1 la fourbe, the duplicity ; for fourberie. 2 ma misère, my misfortune, 1 1 Tranchant du généreux, setting up for a générons man, 12 pour ne pas Téventer, not to find it ouL 14 la plus fine, the most skil/ul. Page 91. 3 Epargnant son rival, were I to spare his rival, 10 que vous vous gênez, how you torture your self. Gêne {géhenne)^ from Hebrew Ge-Hinnom^ was a much stronger word in Corneille's time than now. M. Génin gives the word as an example of the influence of customs on language. The use of torture {Ja gêne) being gradually forgotten, the word itself lost its original force. 21 ne ferait que, would only. Page 92. 18 M'irait calomnier de quelque intelligence, 7c/^»/